L'Association des pharmaciens turcs a annoncé début novembre que 645 médicaments étaient indisponibles sur le marché turc, prévenant que la santé publique était menacée. Plus récemment, suite à des pressions contre les pharmaciens, l’Association a publié un communiqué titrant : “Nous ne sommes pas responsables du manque de médicaments”.
Après la première annonce de l’Association des pharmaciens turcs (TEB) le 6 novembre, l'Agence turque des médicaments et des dispositifs médicaux (Titck) avait fait une déclaration, le 9 novembre, selon laquelle ces annonces de pénurie ne reflétaient pas la réalité.
Dans son communiqué du 14 novembre, la TEB indique : “Nous connaissons une grave pénurie de médicaments, et ce tableau s’assombrit de jour en jour. [...] Nous, les pharmaciens, nous ne sommes pas responsables de cette pénurie. [...] Si nous ne pouvons pas donner de médicaments à nos patients, c’est en raison des politiques actuelles de prix des médicaments ; le décret sur les prix des médicaments n'a pas été mis à jour depuis 14 ans, la politique nationale des médicaments n’est pas au niveau requis.”
L'Association précise aussi faire l’objet d’inspections renforcées et d’intimidation depuis quelques semaines.
La dévaluation de la livre turque en toile de fond
La TEB indique ne pas être en faveur de l'augmentation des prix des médicaments, mais que la tarification actuelle des médicaments est basée sur le cours de l'euro à 4,57 TL, alors que le taux actuel de l'euro a dépassé les 11 TL. L'écart se creuse de jour en jour, et le nombre de médicaments introuvables sur le marché augmente.
Le cours du médicament est réévalué chaque année au mois de février. En attendant qu’un accord soit trouvé entre le ministère de la Santé et les sociétés pharmaceutiques, cette crise risque de perdurer et d’affecter la Santé publique, selon la TEB.
"Ceux qui ont de l’argent pourront se soigner"
Burcu A. travaille dans la pharmacie d’un hôpital public à Ankara. Elle n’a donc pas de relation directe avec les patients. Elle nous confie, à titre d'exemple, que dans son hôpital, en raison de la pénurie qui touche le secteur pharmaceutique turc, un médicament en temps normal administré par sérum est désormais donné par comprimé ; une procédure délicate pour un patient hospitalisé.
Elle indique qu’actuellement les médicaments indisponibles sont principalement : “Le vaccin contre la grippe, des médicaments pour les enfants (sirop contre la toux, spray nasal etc.) des médicaments contre la fièvre, beaucoup d’antibiotiques”. Une situation qui "laisse de nombreux patients en détresse, à l’approche de l’hiver".
Burcu A. nous indique par ailleurs que de plus en plus de médicaments ne sont plus pris en charge par la sécurité sociale turque : “La Turquie est en train de devenir comme les Etats-Unis, ceux qui ont de l’argent pourront se soigner, les plus démunis n’auront pas la même chance”.
Selon elle, en plus du problème lié au prix, la crise actuelle est aussi due à une mauvaise gestion des médicaments à commercialiser : “Il aurait fallu établir un équilibre entre les médicaments qui sont utiles et ceux qui le sont moins. Selon moi, des médicaments ont été prescrits massivement pour soigner contre le virus de la Covid-19, mais ils étaient loin d’être nécessaires, voire efficaces...”.
Elle conclut : “En plus de ces problèmes de pénurie nous faisons face à un problème de médicaments commercialisés dont le processus de licence n’est pas abouti.”