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Quartiers d’Istanbul : Nişantaşı et Teşvikiye, deux quartiers à la mode...

Quartiers d'Istanbul : Nişantaşı et TeşvikiyeQuartiers d'Istanbul : Nişantaşı et Teşvikiye
Nişantaşı et Teşvikiye en 1890
Écrit par Gisèle Durero-Köseoglu
Publié le 15 mai 2023, mis à jour le 19 décembre 2023

Deuxième numéro de la série de sept volets, où je propose de vous emmener en promenade dans les quartiers d’Istanbul, non pas les plus touristiques mais plutôt ceux où vivent et travaillent les Stambouliotes... Et où ont souvent élu domicile des familles françaises et franco-turques. Aujourd'hui, partons à la découverte de Nişantaşı et Teşvikiye!

Nişantaşı, qui appartient au quartier de Teşvikiye, l’un des 25 du district de Şişli, tire son nom des pierres érigées pour commémorer les tirs des sultans. En effet, au XVIIIe siècle, ce n’était qu’une étendue campagnarde avec des champs et des fermes produisant lait, yaourt et fromages. L’absence d’habitations et le caractère sauvage des lieux firent que le sultan Selim III décida d’en faire son terrain de chasse et d’entraînement pour le tir. A l’époque, les padichahs, lorsqu’ils étaient satisfaits de leur performance, avaient coutume de marquer par une pierre l’endroit où leur flèche était tombée. C’est ainsi qu’en 1791, le sultan Selim III y érige sa première "nişan taşı", soit, en turc, "la pierre de tir", d’où le quartier tirera son nom, et qui se trouve à l’entrée de la cour de la mosquée Teşvikiye.

 

La pierre de tir de Selim III
La pierre de tir de Selim III

 

De plus,  pour effectuer sa prière lors de ses promenades, il édifie une petite mosquée en bois qui est le premier bâtiment du lieu et sera remplacée en 1854, par la mosquée actuelle, dont l’esplanade comporte la colonne de tir de Mahmut II.

 

Colonne de tir de Mahmud II, esplanade de la mosquée Teşvikiye
Colonne de tir de Mahmud II, esplanade de la mosquée Teşvikiye

 

Lorsque le sultan Abdülmecit s’installe au palais de Dolmabahçe, puis fait également construire, pour ses promenades, Ihlamur Kasrı, le Pavillon des Tilleuls, ses proches et les dignitaires de l’Etat commencent à faire bâtir des manoirs, appelés "konak", à Nişantaşi, pour se rapprocher du souverain. Lamartine, se rendant, en 1850, de Taksim à Ihlamur Kasri, qu’il nomme "Kiosque de Flamour", pour rencontrer le sultan Abdülmecid, emprunte ce qu’il appelle "la route des collines" et décrit en ces termes son passage à Nişantaşi : "Nous nous serions crus dans une vallée de Suisse... on n’entendait aucun bruit que le murmure d’un filet d’eau sur les cailloux et des oiseaux chantant dans les feuilles. On n’apercevait aucun mur, aucun toit, aucune barrière, aucune trace d’habitation..."

 

Ihlamur Kasrı au XIXe siècle
Ihlamur Kasrı au XIXe siècle

 

De plus, en octroyant aux minoritaires et aux étrangers, à l’époque du Tanzimat, le droit de s’installer dans le secteur, le sultan donne officiellement naissance au quartier de Teşvikiye et en symbolise la création par la pose de deux obélisques, l’un que l’on peut voir aujourd’hui devant le commissariat, l’autre au carrefour des rues de Teşvikiye et de Valikonağı, portant l’inscription : "Le quartier de Tesvikiye, fruit de l’amour sans borne du sultan Abdülmecid"…

 

L’un des deux obélisques rappelant la création de Teşvikiye
L’un des deux obélisques rappelant la création de Teşvikiye

 

La popularité de Nişantaşı et Teşvikiye s’accroîtra encore avec l’installation d’Abdülhamid à Yıldız. C’est pour cela que, jusqu’au début du XXe siècle, le quartier demeurera célèbre pour ses luxueuses demeures entourées de jardins. Par exemple, à l’emplacement du lycée de Şisli Terakki, se dressait jadis le merveilleux château du Pacha Halil Rıfat (1827-1901), édifié en 1895, d’abord utilisé par l’école, puis détruit en 1944.

 

Halil Rıfat Paşa Konağı
Le château du Pacha Halil Rıfat

 

Aujourd’hui, la plupart des palais ont disparu, il n’en subsiste que des photos décolorées et des fantômes… Il y en a cependant au moins deux qui ont résisté aux ravages du temps. Il s’agit d’abord du palais de Sait Pacha (Sadrazam Sait Paşa Konağı), qui fut durant de longues années l’un des plus importants ministres du sultan Abdülhamid II. Détruit par un incendie en 1988, puis somptueusement restauré, le "konak" abrite aujourd’hui l’Académie de mode d’Istanbul (Istanbul Moda Akademisi), à côté de City’s.

 

Académie de mode d’Istanbul
Académie de mode d’Istanbul

 

Le deuxième est le manoir du Pacha Echref (1820-1907), célèbre pour avoir été maire d’Izmir jusqu’en 1907 et y avoir fait édifier l’hôpital de lutte contre la peste qui porte encore son nom. Restauré en 1995, le manoir renferme aujourd’hui la plus importante salle de vente aux enchères de la ville, "Antik".

 

Le konak du Pacha Echref (Eşref Paşa Konağı)
Le konak du Pacha Echref (Eşref Paşa Konağı)

 

À partir de 1900 et surtout après l’avènement de la République, les manoirs, désormais privés de leur raison d’être, tombent en ruine et vont laisser la place à des immeubles modernes. Bien vite, la zone devient l’une des plus connues d’Istanbul pour ses constructions dernier cri, dont certaines sont d’ailleurs aujourd’hui classées aux monuments historiques ; pour n’en citer que quelques exemples, Izmir Palas, Avenue de Maçka, célèbre pour ses vitraux et sa tour dominant les huit étages ; ainsi que de nombreux édifices Art Nouveau, comme "Narmanlı" à la remarquable entrée ornée de marbres sculptés ou les immeubles  "Belveder" et "Isplandid", Avenue de Teşvikiye... 

 

L’entrée de l’immeuble «Narmanlı» et l’immeuble « Belveder»
L’immeuble "Belveder" et l'entrée de l’immeuble "Narmanlı" 

 

Plus tard, dans les années 1970, les magasins de luxe désertant Beyoğlu viennent s’installer à Nişantaşı et Teşvikiye, et les ultimes palais survivants sont victimes d’incendies et remplacés par des immeubles "modernes" ; c’est ce qu’Orhan Pamuk nomme, dans Istanbul, Souvenir et Ville, "la tristesse des palais de pachas qu’on détruit"… Le quartier devient alors un centre de la mode et des achats et se pare d’une multitude de cafés et restaurants. Aujourd’hui, beaucoup d’étrangers y sont installés, on y compte aussi de nombreuses Françaises qui ont choisi le lieu pour son côté très européanisé et cosmopolite.

 

Le centre commercial City’s
Le centre commercial City’s

 

Dans cet endroit très commercial et animé, dont le cœur bat désormais au centre commercial City’s, il semble désormais impossible de retrouver le souvenir nostalgique des palais de bois sculpté et des jardins pleins de glycines et de tilleuls. Avec un peu d’imagination, peut-être pourrons-nous voir passer le fantôme d’un pacha ou la silhouette d’une dame à la voilette rose...

 

Rendez-vous le mardi 30 mai pour un nouveau volet...

 

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Gisèle Durero-Köseoglu
Publié le 15 mai 2023, mis à jour le 19 décembre 2023

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