L'auto-ricskhaw, ce drôle d'engin hybride entre le scooter et le rickshaw, a envahi les villes et les villages indiens après l'Indépendance du pays en 1947. Cela fait plus de 50 ans qu'il sillone les rues et les chemins de campagne et il n'est pas prêt d'être remplacé ! Le saviez vous, l'auto-rickshaw a été inventé par un Indien de Pune qui s'est inspiré des véhicules à trois roues de l'Italien Piaggio ? Voici son histoire.
Lorsque le 15 août 1947, le dernier coup de minuit retentit, l’Inde devint libre après deux siècles sous le joug colonial. Alors que les citoyens étaient encore étourdis par les séquelles de la séparation précipitée du pays, les dirigeants, quant à eux, se retrouvaient face à une tâche colossale. Ils devaient planifier et agir dans l'intérêt du développement de la nouvelle nation - économiquement et socialement - ainsi que dans celui de son peuple en tant que producteurs et consommateurs.
Les objectifs du Premier Plan Quinquennal (First Five Year Plan de 1951-52 à 1955-56) comprenaient notamment deux axes importants : “Corriger le déséquilibre” au sein de l'économie et améliorer les “conditions de vie” de la population.
Durant une session de février 1947 de l'Assemblée législative de Bombay, un membre évoqua les conditions inhumaines dans lesquelles travaillaient les tireurs de rickshaws. Plus tard, Morarji Desai, ex-ministre de la province de Bombay, suggéra que les rickshaws à bicyclettes soient abandonnées.
Navalmal Kundalmal Firodia, un ardent défenseur de la liberté, vit dans ces réflexions une opportunité de construire une forme de transport public à bas coût. Lorsqu’il tomba sur une image d’un transporteur de marchandises à trois roues, il fut saisi d’une inspiration. Il soumit alors un plan à Morarji Desai qui lui répondit que si le véhicule était satisfaisant d’un point de vue technique, il pourrait être autorisé selon le plan des transports publics (public conveyance plan).
La société de Firodia, Jaya Hind Industries s’associa alors à Bachhraj Trading Corporation (maintenant Bajaj Auto Private Limited) pour reproduire le véhicule qu’il avait vu dans un magazine et qui était manufacturé par l’italien Piaggio.
Afin de mieux comprendre son fonctionnement, Firodia acheta un scooter et deux “goods carrier” à trois roues de la compagnie italienne, pour en étudier les modèles et faire plusieurs modifications avant d’obtenir un produit final : l’auto-rickshaw.
Le chassis fut repris de Piaggio, le reste fut développé localement et le prototype fut presenté devant Nehru lors de la session du Congrès d’avril 1948. Peint de vert et de jaune, c’était un mélange entre le transporteur de Piaggio et le deux roues automatisé de l'époque. L'idée plût et la construction fut approuvée.
L’industriel, Firodia, avait sûrement pressenti que cet engin permettrait aux Indiens indépendants de se déplacer dans la myriade de villes et villages du pays de manière pratique et bon marché. Il inventa le terme “auto-rickshaw” pour nommer son véhicule. Le mot trouve désormais sa place dans le Oxford Dictionary et depuis son introduction en 1949, l’auto-rickshaw n’a pas quitté la route.
L’auto-rickshaw se répandit sur les routes indiennes et s’imposa comme fiable dans la psyché indienne. Les Indiens de classe moyenne n’ayant pas encore les moyens de s’acheter leur propre véhicule, la popularité des auto-rickshaws ne fit qu’augmenter afin de devenir le symbole du transport urbain pas cher.
La joint venture entre Jaya Hind Industries et Bachhraj Trading Coroporation se transforma par la suite en la société Bajaj Auto, gérée par la famille Bajaj et qui produit toujours les auto-rickshaws. D’autres pays en développement se sont intéressés à l’auto-rickshaw. En 1973, Bajaj exportait des trois-roues au Nigeria, au Bangladesh, au Soudan, au Yémen, à Hong Kong et à Barheïn ainsi qu’en Australie. En 1977, la compagnie introduisit des auto-rickshaws avec engins arrière et vendit 100 000 véhicules.
Jusqu’en 1980, les auto-rickshaws n'étaient autorisés à transporter que deux passagers à la fois. Toutefois, cela changea au cours des deux décennies suivantes, et aujourd’hui, le nombre de passagers est seulement limité par la capacité de ceux-ci à s’asseoir sur les sièges !
Le syndicat des auto-rickshaws est un des groupes de travailleurs les plus organisés du pays. Ils suivent la mode et sont au courant des dernières tendances - comme singer la coupe de cheveux d’un acteur préféré ou exprimer ses opinions sur son véhicule. Bien que les conducteurs d’auto-rickshaws aient été critiqués au sujet d'irrégularités dans le système tarifaire ainsi que pour leur négligence de la sécurité des passagers, l'engin demeure le mode de transport quintessentiel des Indiens pour les courtes distances.
L'auto-rickshaw est interdit dans les rues de Bombay Sud. Le véhicule ne peut emprunter le Sealink (pont traversant la baie de Mahim et joignant le nord au sud) ni aller au sud de la station de pompiers de Bandra à l'ouest et du dépôt de bus de Sion à l'est. C'est quasiment le seul endroit du pays dans lequel il n'a pas le droit de circuler. La mairie de Bombay a jugé que les rues étaient trop encombrées, étroites et tortueuses et que les auto-rickshaws étaient bruyants et polluaient.
L'industriel Firodia est aussi à l’origine du Tempo, le petit transporteur de marchandises à trois roues qu’il a développé avec une société allemande du même nom. On le voit circuler partout dans les rues de Bombay.
Bajaj Auto, le producteur de l’auto-rickshaw est aujourd’hui la quatrième compagnie au monde à produire des véhicules à deux et trois roues et la marque Bajaj est connue dans de nombreux pays en Amérique Latine, en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie du Sud et Asie du Sud-Est.
Cet article est en partie traduit de ThebetterIndia.