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Des helpers philippines nagent 2 kilomètres à Hong Kong

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Les nageuses de la fondation Splash, lors d'une course - Photo@Fondation Splash
Écrit par Karine Yoakim Pasquier
Publié le 16 juin 2021, mis à jour le 16 juin 2021

Savoir nager. La compétence peut sembler simple, mais elle ne l’est pas forcément et ne s’acquiert pas sans aide. C'est l'objectif de la fondation Splash, qui permet aux travailleuses domestiques d’apprendre à vaincre leurs craintes et à nager... Plusieurs d'entre elles ont désormais pris l'habitude de  nager en pleine mer et participent même à des compétitions en open water. Portrait de cette association qui aide les helpers de Hong Kong à se sentir… comme des poissons dans l’eau !

C’est un dimanche, dans la piscine d’une école privée, que je rejoins l’équipe des Splashers. Alors que je pénètre dans l’édifice, plusieurs filles sont déjà dans l’eau, aux côtés de leur coach, tandis que d’autres attendent sur le bord, plaisantant entre elles, s’encourageant. Malgré la chaleur étouffante, l’énergie est au rendez-vous. L’ambiance est détendue et l’on sent une grande complicité entre les participantes.

« Certaines femmes découvrent la sensation de l’eau »

L'objectif de  fondation Splash est simple: proposer aux travailleuses domestiques et aux enfants, âgés de 8 à 16 ans, n’ayant jamais eu la chance d’apprendre à nager, de maîtriser le B.A.BA de la survie dans l’eau. C'est en 2015 que Simon Holliday, Learning & Development Manager dans une compagnie juridique, co-fonde Splash, aux côtés de sa collègue, Libby Alexandrer. Ensemble, ils s'engagent sur leur temps libre et chaque dimanche, depuis 2015, ils enseignent dès lors aux travailleuses domestiques à nager.

« Certaines de ces femmes arrivent à notre cours et l’on s’aperçoit que c’est la première fois qu’elles vont totalement s’immerger dans l’eau, me confie Simon. Certaines ne se sont jamais plongées dans la mer, n’ont même jamais pris un bain. Elles découvrent donc cette sensation pour la première fois avec nous. »

splash fondation hong kong
Libby Alexander, en train de former l'une de ses Splasheuses - Photo@nyoakim

Lorsque je l’interroge, Simon m’avoue être impressionné des résultats de ses apprentis nageurs et notamment des helpers qui s’engagent au sein de celui-ci : « Pour moi, c’est extraordinaire de voir la manière dont ces femmes répondent au programme. Chaque dimanche, malgré le fait que ce soit leur unique jour de congé, elles se déplacent, viennent parfois de l’autre bout de Hong Kong pour passer quelques heures avec nous et apprendre une nouvelle compétence. Elles s’investissent entièrement et, au bout de 12 sessions, savent nager. » Libby complète: « Ce qui est fou, c’est la confiance que ces femmes gagnent. La partie excitante, ce n’est pas la partie technique, la natation en elle-même, mais c’est le sentiment d’autonomie, d’enpowerment que cela leur procure. »

nage en mer pour les helpers philippines à Hong Kong
Le trajet de 1,8 kilomètres en mer jusqu'au Cap d'Aguilar lors de la "Dag Dash"

« Jamais je n’avais imaginé que je pourrais apprendre à nager. »

Dans la piscine, j’observe les étudiantes qui apprennent les mouvements de base. Le groupe s’entraide, s’encourage et se soutient. Sur le bord, des capitaines veillent à traduire les consignes qui ne seraient pas claires pour certaines et rassurent les participantes qui ont peur de l’eau.

Cynthia est l’une d’entre elles. Aujourd’hui capitaine encadrant les nageuses, elle se trouvait il y a quelques mois du côté des élèves et elle me raconte son parcours : « J’ai grandi dans le Nord des Philippines, dans un endroit sans océan. Près du village, il y avait juste une rivière, considérée comme très dangereuse. J’ai eu longtemps peur de l’eau. Puis, je suis arrivée à Hong Kong. Là, j’ai accompagné les enfants dont je m’occupais à la piscine pour qu’ils suivent des cours de natation. Je n’ai jamais imaginé que je pourrais le faire aussi… Le programme m’a ouvert de nouvelles portes. Je me suis fait de nombreuses amies et surtout, j’ose maintenant sauter dans la mer ! »

La plupart des participantes font face en effet à une aquaphobie très présente. Sur le site web de l’association, Sopiyah, originaire de Java, est enthousiaste : « Quand j’étais jeune, il y avait une rivière au fond de notre jardin. Quand j’y entrais, mon père me criait dessus et depuis, j’ai toujours eu peur de l’eau. En grandissant, la plupart des garçons savaient nager, mais pas les filles. J’étais inquiète et effrayée lors de ma première leçon, mais ensuite, c’était vraiment amusant. J’ai rencontré des amis de partout. Beaucoup de travailleuses domestiques indonésiennes ici ne connaissent pas Splash — je leur en parle et leur explique comment elles peuvent s’inscrire. Il s’agit de liberté. La prochaine fois que je rentrerai chez moi en Indonésie, j’apprendrai peut-être à ma nièce et à mon neveu à nager dans cette même rivière. » C’est également le cas de Vicky, Brenda, Edz, ou Ian, qui depuis se sentent en sécurité auprès de l’eau.

« 3000 personnes ont appris à nager »

Les résultats sont spectaculaires. D’après le site de la fondation, 350 enfants et 2279 adultes ont déjà bénéficié du programme et appris à se sentir à l’aise dans l’eau, comme faire du crawl ou de la brasse. Aujourd’hui, l’un des plus grands besoins de la fondation reste l’accès en piscine. La demande grandissante nécessite donc des espaces où entraîner les futures nageuses. En effet, depuis ses débuts, plus de 7500 heures de formations ont été données par 18 entraîneurs diplômés et 209 entraîneurs bénévoles formés.

«L’aventure a démarré en 2015, avec un groupe le dimanche après-midi… et le bouche-à-oreille a fait son effet. Nous sommes passés d’une classe à deux, puis à trois… On a créé l’association en 2016 et aujourd’hui, 3000 personnes ont appris à nager avec notre soutien, sans qu’on n’ait jamais eu besoin de faire de publicité. Les classes se remplissent d’elles-mêmes, me dit Libby.» Mais après les résultats sportifs, d’autres accomplissements accompagnent chaque session, chaque nageuse, chaque cours, me dit Libby: «Il y a 92 % de succès dans chaque groupe. Mais au-delà de ça, ce que nous n’avions pas imaginé, c’était le sentiment de camaraderie qui entourerait notre projet, ainsi que la confiance qui naît avec cette compétence qu’est la natation !»

2 kilomètres en pleine mer pour les helpers

Aujourd’hui, une vingtaine d’entre elles nagent en pleine mer chaque dimanche, tandis que certaines participent même à des courses à Hong Kong. Dernièrement, un groupe a disputé la D'Ag Dash, une course de nage en eau libre reliant Hobie Cat Beach au cap D'Aguilar. Ces nageuses, qui il y a quelques temps, apprenaient à nager pour la première fois ont nagé 10 kilomètres sans ciller. Un sacré challenge que ces femmes ont relevé avec brio. «Lorsqu’on vit dans un archipel, c’est fantastique d’enfin pouvoir savoir nager.», conclut ainsi Simon avant de plonger dans la piscine pour rejoindre ses Splasheuses.

Les nageuses phllippines à l'entrainement le dimanche à Repulse Bay
Les nageuses phllippines à l'entrainement le dimanche à Repulse Bay

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