Avec les interdits et les restrictions de sorties, les comportements de délation ou de xénophobie s’étalent sur les réseaux sociaux à Hong Kong: photos et commentaires assassins mettant en scène tel ou tel groupe de plus de quatre personnes ou tel étranger non masqué sur l’espace public indiquent pour le moins une méfiance voir un ras-le-bol de la population vis à vis d’une incivilité souvent perçue comme une agression.
Les étrangers montrés du doigt
Récemment, le journal Le Point jugeait utile de titrer l’un de ses articles "Les expatriés occidentaux, nouveaux pestiférés d'Asie?", laissant entendre que les Européens seraient devenus des bouc-émissaires pour la population d'Asie en se référant largement à Hong Kong. De fait, avec la médiatisation des sorties pique-nique le week-end qui a précédé l’annonce du confinement, les Français se sont taillés une solide réputation d'indiscipline.
Côté Hongkongais, de manière corrélée ou non, les vieux réflexes xénophobes semblent avoir refait surface en ces temps de crainte et de peur irrationnelles. Ainsi une photo sur les réseaux sociaux montrait-elle récemment des étrangers au débarcadère de Mui Wo venant de Discovery Bay ne portant pas de masque de protection avec des commentaires de reproche. Sur une autre vidéo prise dans le métro cette fois-ci, un Européen à l'allure pourtant distraite et inoffensive, est aussi accusé par l’auteur de vouloir infecter des Hongkongais en s'approchant intentionnellement d’eux à visage découvert. Enfin, pour clore le tableau, le discours de la Chief Executive mettant en cause le quartier de Lan Kwai Fong, réputé pour ses bars d’expatriés, comme étant l'un des principaux foyers de la recontagion de la SAR achevait de jeter l’opprobre sur la communauté étrangère de Hong Kong.
Dénoncer, un geste citoyen
Ce week-end, un internaute indiquait avoir rencontré un groupe de personnes, se déplaçant à plus de quatre et ramassant des fleurs sauvages, ce qui est strictement interdit à Hong Kong, certaines espèces étant protégées. Ce post fut aussitôt suivi d’un appel à la dénonciation et des remarques sur le manque d'éducation des visiteurs. Un autre post montrait des taxis rouges de Hong Kong stationnés à Lantau, entrainant aussitôt des commentaires appelant à diffuser la plaque d’immatriculation du véhicule (ci-dessous). Esprit de clocher ou dénonciation des usagers qui exploitent la crise des transports pour effectuer des déplacements illégaux? Les raisons de ce post ne sont pas claires mais indiquent en tout cas un sentiment de crainte et de suspicion vis à vis des visiteurs extérieurs, les réseaux sociaux offrant dans ce cas un exutoire aux nouveaux justiciers du quotidien. Mais comment en est-on arrivé là?
La flambée xénophobe récente semble liée au retour des résidents qui avaient fui Hong Kong de manière opportuniste et qui revienent pour les mêmes raisons, tentant d’échapper aux contraintes du confinement ou à l’inconfort de la scolarité à domicile. Or, de ce charter, les étrangers ne constituaient pas la majorité puisque 80% des retours étant le fait de Hongkongais. Cette réaction rappelle cependant l’abandon de la ville au moment de l’épisode du SRAS par les Français, perçu à l’époque par les Hongkongais comme une trahison. Se retrouvant aujourd’hui à subir les conséquences des choix de ceux qui ont décidé de voyager alors même que tous les avis recommandaient l’inverse, à savoir une multiplication par 10 des cas de coronavirus, il est naturel que les Hongkongais de se méfient des étrangers. Ils sont d’ailleurs régulièrement accusés d'être les seuls à ne pas porter de masque dans certains endroits fréquentés..
Les resquilleurs, nouveaux criminels
Aujourd’hui la hausse des cas liée au retour de personnes ayant séjourné à l’étranger a poussé les autorités à fermer les accès frontaliers, imposer la quarantaine à tous les entrants et des restrictions sur les lieux de divertissement propices à une diffusion de la maladie. La mise en place d’un contrôle via bracelets électroniques envoie un signal fort destiné à limiter le "tourisme sanitaire" qui consisterait à chercher refuge dans les pays les moins touchés par le virus. Pourtant certains porteurs de bracelet sont encore pris à enfreindre les règles de la quarantaine à domicile, prétextant un dysfonctionnement, laissant leur téléphone connecté à leur domicile pour éviter le tracking ou sectionnant purement et simplement leur bracelet. De nombreux cas sont alors signalés par les réseaux sociaux donnant moultes informations quant au signalement des fraudeurs et lieux des infractions.
Des sanctions allant de la mise de force en centre jusqu'à plusieurs mois de prison attendent les resquilleurs, alors traités comme des criminels, tels ce Chinois qui a dérogé à deux reprises aux règles de la quarantaine sur Yuen Long en passant le poste frontière de Shenzhen Bay et a été incarcéré. De même, cette jeune fille de 13 ans revenant des Etats-Unis a-t-elle été repérée grâce à son bracelet par les clients d'un restaurant japonais du centre-ville alors qu’elle était venue y déjeuner avec son oncle (vidéo ci-dessous)! Lors d’un sondage du South china Morning Post, 70% des Hongkongais attribuaient les bons résultats de lutte contre le coronavirus à leurs propres comportements et non à l'action du gouvernement. C’est dire si chaque citoyen se sent porteur de la mission sacrée de faire respecter les règles de vie en commun.
Un pour tous, tous pour moi!
Alors que la méfiance est à son comble, les rassemblements constatés lors du long week-end de Pâques sur les plages bondées de Lantau, Hong Kong ou de Sai Kung ont donc de quoi surprendre. Les restaurants affichaient pendant ces quatre jours une grande flexibilité quant à la règle des tables de quatre personnes. Ainsi ce groupe de cinq occidentaux avait-il choisi d’installer l’un des leurs sur une chaise de l'autre côté du muret d’un des établissements de Cheung Sha, exactement à une distance sociale de 50 cm, soit la longueur d’un bras brandissant une bière fraîche!
Or, face à une société hongkongaise qui a démontré qu'elle pouvait lutter efficacement contre le coronavirus (4 morts au compteur en tout et pour tout), il conviendrait de faire profil bas car ne pas se plier aux règles aujourd’hui hypothèquerait gravement la qualité des relations de demain avec les Hongkongais. Ainsi que le rappelait le consul général de France à Hong Kong et Macao Alexandre Giorgini dans une interview le 9 avril: "Nous sommes une communauté visible et bien intégrée à Hong Kong. Dans la mesure où nous habitons ici et que Hong Kong nous accueille, nous devons être exemplaires!"
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