J’ai attrapé un rhume il y a quelques jours, peut-être à cause du vent pré-hivernal qui flânait dans la rue en même temps que moi. Ma mère a dû sortir quelques vêtements chauds qui sentent l’armoire. Il commence à faire nuit à 17 heures. L’ambiance commence à devenir légèrement effervescente. Tout cela n’est pas sans me rappeler un événement important de l’année : l’hiver est arrivé, et le Tết approche !
J’habite à Hanoï mais passe toujours le nouvel an sur ma terre natale - une province située à 50 km de la capitale. Le Tết est une sacrée occasion de retrouver toute sa famille. Le 28 du Tết, après avoir accompli un nettoyage total de notre maison, nous allons préparer les affaires pour notre “pèlerinage”. Mon père préfère toujours emmener deux branches de pêcher qu’il a soigneusement choisies dans le fameux jardin de pêchers d’Hanoï : Nhật Tân. On revient ainsi chez mes grands-parents afin de “ăn Tết” (littéralement « manger du Tết »), comme le disent les Vietnamiens pour désigner le fait de “fêter le Tết”.
En effet, je crois que se régaler ensemble des plats traditionnels du Tết est à la fois un rite et un plaisir de tout le monde. Le matin du 29 décembre lunaire, de bonne heure, ma grand-mère commençait à faire du “bánh chưng” (du gâteau de riz gluant traditionnel). Ma mission était d’enrouler un fil de bambou autour du gâteau en forme cylindrique de manière si ingénieuse que ce dernier n’était pas déformé et que le fil ne lâchait pas, même après avoir bouilli 8 heures dans une énorme marmite en fonte. Et autour de cette marmite, dans la cuisine ancienne dont les murs se couvrent de suie, nous jouions aux cartes sur une natte et bavardions toute la soirée, somnolant parfois dans le crépitement jovial du bois brûlé.
Mais Tết n’a pas que du “bánh chưng”. Il y a encore du pâté de viande pilée, du jambonneau de porc, du poulet bouilli, du porc grillé, des rouleaux de printemps, de la viande en gelée, des oignons marinés et beaucoup de sortes de confiture. Des plateaux de nourriture copieux représentent l’affluence et la richesse des propriétaires, d’où la quantité abondante et l’extraordinaire variété des mets. Pendant les 3 jours festifs, nous avons ainsi tous un ventre bien rond.
Les Vietnamiens disent non seulement “ăn Tết” mais encore “chơi Tết” (littéralement « jouer du Tết »). Effectivement, j’adore mon Tết non seulement pour la nourriture, mais encore pour les activités spéciales que nous faisons ensemble. Le 30 décembre, comme le veut la tradition, je vais faire bouillir de l’eau de bain avec un bouquet de vieille coriandre dans une énorme marmite. Je vous rassure que l’odeur d’eau de coriandre est parmi les plus apaisantes du monde. C’est l’odeur du Tết. L’odeur de la réunion. L’odeur de la tradition. Ayant fini le lavage, s'étant réjoui du repas plantureux de fin d’année, en attendant le moment de transit, on regarde ensemble une émission classique à la télévision : La réunion de fin d’année.
Pendant les jours de la fête, nous rendons visite à des proches en leur offrant de petits cadeaux, parfois juste quelques fruits d’arec et feuilles de bétel qui seront placés sur l’autel des ancêtres des propriétaires. J’accompagne ma grand-mère et ma mère à des pagodes où elles font avec sincérité des prières de santé et de bonheur pour notre famille. Une douce odeur émane des brûle-encens. Les vieux gardiens de la pagode prennent du thé vert autour d’une vieille table, et discutent du concours de lutte du village qui se tiendra dans quelques jours.
Maintenant que nous avons grandi, mon père ayant fait construire une nouvelle maison et mes grands-parents ayant paru devant Dieu, mon Tết traditionnel ne reste plus le même. Pourtant, chaque fois que les premières brises de vent atterrissent sur Hanoï et que les gens commencent à parler de la fin d’année, mon coeur commence à palpiter légèrement comme si un moment important de ma vie s’approchait.
Vy An
Publication originale : 10 janvier 2020