Suite aux dernières élections législatives 2022, lepetitjournal.com part à la rencontre des 11 nouveaux députés des Français de l’étranger. Frédéric Petit a été réélu député de la 7e circonscription (Allemagne, Europe centrale et Balkans) pour la majorité présidentielle. Très engagé sur les enjeux internationaux de sa région, il revient sur son précédent mandat, sur les défis qu’apportent la guerre en Ukraine et la situation politique au Bélarus.
Quelle a été votre réaction suite à cette réélection ?
Je suis conscient de l’ampleur de la tâche et du fait que ce mandat ne ressemblera pas au précédent, notamment du fait de la guerre en Ukraine. Nous vivons un moment assez singulier, particulièrement dans cette circonscription. Les sujets que j’essaie de porter à l’Assemblée nationale deviennent d’autant plus urgents aujourd’hui, et mes collègues doivent en prendre acte. Que se passe-t-il dans cette région ? Que représentent les Français qui y vivent ? Je crois que nous pouvons éclairer les débats qui auront lieu dès aujourd’hui à l’Assemblée nationale : non seulement sur les affaires étrangères et l’armée, mais aussi sur le projet de loi relatif au pouvoir d’achat, qui est lui aussi en lien avec ce que nous vivons dans la 7e circonscription.
Quels ont été les enseignements de ce premier mandat qui influenceront les cinq prochaines années ?
L’un des principaux enseignements, particulièrement à l’aube de ce deuxième mandat, réside dans le fait que j’envisage d’orienter mon rôle de député davantage sur le contrôle du gouvernement et la relation avec les citoyens davantage que sur le travail strictement législatif. Ecrire la loi est certes très important, mais les lois sont trop souvent bavardes et peu appliquées, d’où la nécessité d’un travail de contrôle rigoureux ensuite. C’est d’autant plus important dans un moment de défiance citoyenne comme celui que nous connaissons aujourd’hui. Les citoyens doivent se rendre compte que l’Assemblée nationale n’est pas qu’un théâtre où « gentils » et « méchants » s’affrontent, mais que le rôle des députés consiste à faire en sorte que les lois soient véritablement appliquées. Il faut parfois être sans concession lorsque des lois se perdent dans les sables et que les choses ne marchent pas. Je voudrais surtout que les citoyens réalisent que c’est pour cela aussi qu’ils ont élu leurs députés.
Quels sont pour vous les objectifs de ce nouveau mandat ?
Avec mon équipe, nous y travaillons actuellement. Je compte continuer sur la lancée de mon précédent mandat, en ayant une attention particulière à la construction européenne, à l’environnement, à la participation citoyenne et bien sûr à la diplomatie culturelle dont j’ai été le rapporteur au sein de la commission des affaires étrangères durant les cinq dernières années. Nous allons réorganiser nos objectifs en fonction de l’urgence du moment. Une chose est sûre, je veux être un député encore plus présent sur le terrain, plus attentif à la diplomatie non gouvernementale, la diplomatie citoyenne, culturelle, éducative, économique…
Que pensez-vous de l’entrée de l’Ukraine dans l’UE ?
L’accès de l’Ukraine au statut de candidat à l’adhésion au sein de l’Union européenne est un symbole important car nous sommes dans une situation exceptionnelle. Ce statut va probablement accélérer les choses mais ne règlera certainement pas le problème de la reconstruction de l’Ukraine, qu’il faudra gérer bien avant son intégration à l’UE. Nous ne savons pas encore quelle Ukraine entrera dans l’UE, à quoi elle ressemblera, et quand elle pourra entrer officiellement. Nous entrons, en réalité, dans une période avec des enjeux auxquels l’UE n’a jamais été confrontée. J’ai toujours dit que l’Union européenne n’était pas un accord multilatéral mais surtout un lieu de médiation des conflits. Les zones conflictuelles telles que les Balkans déterminent, selon moi, l’avenir de l’UE. Cette union, symbole de la réconciliation avec l’Allemagne, doit montrer la voie humaniste au reste du monde. C’est une bonne chose que l’UE soit confrontée à ces enjeux.
Durant la campagne législative, j’ai été moins présent sur le terrain ukrainien mais je repars dans les prochains jours : après la Moldavie, je serai à Lviv en Ukraine. Nous sommes en train de réinventer le rôle de député en temps de guerre : ce doit être quelqu’un de présent sur le terrain, au côté des gens. La démocratie est la même que les temps soient difficiles ou pas, elle n’est pas là juste « pour faire joli » quand tout le reste va bien. Des Français sont partis à Lviv car ils pensent que c’est là-bas qu’ils seront utiles.
Comment la guerre en Ukraine a-t-elle affecté la situation au Bélarus, que pensez-vous de l’action de la France ?
Même si ce n’est jamais assez, nous faisons toujours plus que ce que les gens voient et croient. Je n’ai pas de doute sur la justesse et la vision de l’exécutif français quant à la situation au Belarus. La guerre en Ukraine, en revanche, a changé la donne. Un évènement fondamental s’est produit : au lendemain de l’invasion de l’Ukraine en février, l’opposition bélarusse a formé un gouvernement en exil. L’opposition bélarusse s’y refusait jusqu’alors. Cette guerre a fait prendre conscience aux exilés bélarusses qu’ils n’avaient plus de gouvernement légitime et qu’une puissance étrangère était présente sur leur sol. Svetlana Tikhanovskaïa, la représentante des Bélarus en exil, a fait une déclaration en ce sens le 26 février dernier à Paris. Sur le terrain officiel, il y aura également énormément à faire car la représentation de la France est importante dans le travail d’un député. Un de mes objectifs consiste à créer, par exemple, une interparlementaire.
Qu’est-ce qu’une interparlementaire ?
C’est un engagement des citoyens à travers leurs élus nationaux. Je voudrais ainsi réunir des parlementaires français, allemands, lituaniens, européens mais aussi ukrainiens, biélorusses, etc., le but étant de les faire travailler ensemble. Il s’agit de montrer qu’il y a un étage dans l’organisation de la démocratie qui n’est pas la société civile mais ses représentants et que ces élus nationaux peuvent travailler de concert. Nous avons besoin d’une interparlementaire officielle qui aille au-delà des groupes d’amitié traditionnels, des rencontres symboliques. Je souhaite que de réelles séances de travail, de contrôle, de propositions se mettent en place avec les parlementaires de tous les pays concernés. Lors de la précédente mandature, le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, m’avait chargé de travailler sur ce sujet à propos du Bélarus. J’ai fait savoir à la nouvelle présidente, Yaël Braun-Pivet, que j’y étais toujours prêt.
Le Forum Kalinowski, qui s’est déroulé à Vilnius il y a deux ans, pour la première fois, est également intéressant dans ce sens. Ce sont généralement des rencontres en physique - même si depuis la guerre, les Ukrainiens s’y joignent plutôt en ligne. Mais, début avril, nous avons pu nous rencontrer à Kyiv.
Comment travaillez-vous avec Anne Genetet, députée de la 11e circonscription ?
Elle a été très active lors de l’évacuation des ressortissants d’Ukraine et de Russie - car cela relève de sa circonscription. Mais, c’est une région que je connais parfaitement car j’y vis. Donc, il y a un partage assez naturel des tâches entre Anne Genetet et moi. Des citoyens passent d’une circonscription à une autre : le député s’engage pour une région et pas seulement dans les frontières de sa circonscription.
Avez-vous un message à envoyer aux Français de votre circonscription ?
Je leur dis qu’il ne faut pas s’affoler, qu’il faut tenir. Durant ce mandat, nous devrons prendre, chacun, nos responsabilités. Il va falloir assumer nos valeurs même si cela nous coûte. C’est déjà le cas, notamment sur le confort et le pouvoir d’achat dans la circonscription. Dans les mois et les années qui viennent, nous aurons besoin de citoyens qui sortent du théâtre et des grandes phrases : nous allons entrer dans le concret et avoir besoin d’être soutenu par des citoyens exigeants, mais également conscients des enjeux.
Frédéric Petit a également répondu aux question de l'édition de lepetitjournal.com Varsovie.