Mettre en valeur les territoires en vidéo, transmettre ses coups de cœur de voyage, rassembler les voyageurs francophones autour d’événements, sont quelques-unes des casquettes de Bruno Maltor. Mais la principale, en vidéo comme aujourd’hui, reste sur sa tête, à l'envers. Le blogueur et YouTuber a annoncé il y a quelques jours la sortie de sa nouvelle marque de voyage pour les francophones : « Périples ». Un projet audacieux pour fédérer les baroudeurs adeptes de slow travel.
Casquette en arrière, sac sur le dos, pull floqué de la nouvelle marque de voyageurs francophones « Périples », pas de doute, c’est bien Bruno Maltor qui se présente dans nos locaux. L’énergie et la passion sont aussi palpables que dans ses vidéos, et il revient avec nous sur son itinéraire de voyageur, de ses débuts de précurseur, jusqu’à son dernier projet de ligne de vêtements.
J’étais fasciné par la grande carte du monde que j’avais au-dessus de mon lit et tous les noms de lieux qui me paraissaient imaginaires. En grandissant, j’ai réalisé que ces lieux existaient vraiment et j’ai eu envie de parcourir le monde
D’où vient votre goût pour le voyage ?
Je ne viens pas forcément d’un milieu qui me prédispose au voyage. Je suis né dans une famille de classe moyenne, dans un petit village de 200 habitants en Auvergne. Par contre, j’étais fasciné par la grande carte du monde que j’avais au-dessus de mon lit. Souvent, je regardais les noms de ces lieux qui me paraissaient presque imaginaires, tels que les « Niagara Falls ». Assez vite, je me suis mis à apprendre par cœur les noms de toutes les capitales. En grandissant, j’ai réalisé que ces lieux existaient vraiment, et j’ai eu envie de parcourir le monde.
J’ai saisi toutes les opportunités que je pouvais pour voyager : je suis parti en stage 6 mois à Montréal, j’ai fait une alternance en choisissant un rythme qui me permette de partir 4 mois en échange universitaire au Pérou. Ensuite, j’ai eu la chance de continuer à voyager grâce à mon métier de digital nomade.
Vous privilégiez le slow tourisme, voire parfois l’expatriation…
J’ai déjà vécu dans plusieurs pays, et je préfère justement un mode de voyage qui permette de découvrir réellement une ville et une culture en m’installant plusieurs mois plutôt que seulement quelques jours. Grâce à l’expatriation ou le slow tourisme, j’ai pu vivre pendant au moins deux mois dans de nombreuses villes, et connaître les endroits comme un local davantage qu’un touriste. On découvre ce qui fait le charme d'une ville en dehors de son centre ville. Je m’en suis rendu compte à Prague, par exemple. Tous les touristes vont se balader dans l’hypercentre qui est très mignon, mais en réalité, lorsque j’y habitais, je n’y allais jamais et je restais dans mon quartier. L’avantage de l’expatriation est justement de connaître autrement une destination.
Pour l’instant, je suis en France, du fait du Covid, mais je n’exclue pas la possibilité de m’expatrier à nouveau. Je suis particulièrement attaché à l’Europe, un continent très riche et diversifié. Je pense que c’est là-bas que je m’installerai si je m’expatrie à nouveau dans le futur.
Comment avez-vous fait pour vous lancer à l’époque où le métier d’influenceur voyage n’existait pas ?
En 2012, il y avait très peu de blogueurs voyage, nous n’étions pas pris au sérieux. Quand je racontais à mes amis que j’avais créé mon blog Votre tour du monde, cela les faisait rire. Nous n’avions aucune légitimité non plus auprès des professionnels. Il était impossible d’en vivre. À l’époque, j’ai lancé mon site avant tout par passion, sans jamais penser en faire mon métier. Il faut dire que nous étions à une autre époque d’internet : personne n’était sur Instagram, Tik Tok n’existait pas, il n’y avait pas de vidéos sur Facebook. Mais j’étais passionné par le voyage et j’adorais raconter mes périples sur mon blog. J’avais même passé des heures à créer un logo et j’avais acheté un joli thème pour mon site. Ce sont des petits détails qui ont peut-être fait la différence au début.
En 2014, j’ai fait une alternance chez TF1. À la fin de l’année, on m’a proposé un CDI, mais j’ai refusé. Je savais que je n’avais pas besoin de 5.000 euros par mois pour vivre à Budapest, à Prague, et j’ai décidé de me mettre à plein temps sur mon blog, qui me passionnait toujours autant. Je pense que le fait d’avoir été un précurseur m’a aidé à me créer une communauté plus rapidement. Lorsqu’Instagram a explosé en France vers 2017, je connaissais déjà bien mon métier et ma communauté était solidement installée.
Justement, comment a évolué votre communauté depuis que vous travaillez à plein temps dans le voyage ?
Ma communauté a vieilli avec moi. Aujourd’hui, mon cœur de cible se situe entre 25 et 34 ans, et j’aime bien savoir que les personnes qui me suivent évoluent avec moi. Je ne voyage plus exactement comme il y a dix ans, et je sens que ma communauté non plus. Elle se reconnaît dans le slow travel : prendre le temps de découvrir le charme des lieux en dehors des parcours touristiques surfaits.
Je fais aussi partie d’une génération qui a grandi avec internet et je suis de près l’évolution des réseaux sociaux. Aujourd’hui je mise beaucoup sur Tik Tok. Il y a maintenant un milliard d’utilisateurs dans le monde, pas seulement des enfants, et je pense que les entreprises ne pourront plus se passer de ce réseau.
Qu’est-ce la pandémie a changé concernant votre perspective sur le voyage ?
Je sens une évolution dans la façon de réfléchir au voyage depuis la pandémie. Nous nous rendons compte que nous n’avons pas besoin de partir loin pour que le voyage soit « cool », et les voyageurs recherchent désormais davantage des thématiques d’aventures. Beaucoup de personnes se lancent dans des « micro-aventures » : partir en France, parfois tout près de chez soi, pour quelques jours seulement et sans un trop grand budget. Le but est de vivre une expérience, de sortir du quotidien sans partir à l’autre bout du monde.
Bien sûr, cette tendance risque d’évoluer dans les prochains mois car tous les pays réouvrent leurs frontières progressivement. J’imagine que beaucoup de personnes vont recommencer à voyager loin, aux États-Unis notamment, mais je pense qu’une nouvelle façon de voyager est en train d’émerger durablement. Je suis assez curieux de voir cette évolution dans les prochains mois et les prochaines années.
Comment vous êtes-vous adapté pendant les confinements pour continuer à produire du contenu de voyage ?
Je voyageais déjà beaucoup en France auparavant, mais j’ai nettement accentué cela au cours des douze derniers mois : sur les 67 vidéos que j’ai publiées, 66 sont réalisées en France métropolitaine. En réalité, la France est un formidable « terrain de jeu » pour moi depuis de nombreuses années. Nous avons la chance d’avoir la mer Méditerrannée, l’Océan Atlantique, des chaînes de montagne, et de voir cohabiter des cultures et des modes de vie différents, entre l’Alsace, la Bretagne, le sud de la France, ou encore la Corse.
La vidéo la plus vue de ma chaîne parle de Toulouse, et elle a eu pas mal de succès pendant le confinement. Je sens que les Français ont envie de mieux connaître les alentours de chez eux. C’est assez drôle d’ailleurs, car on découvre souvent des petites pépites près de chez soi. Récemment j’ai fait une vidéo sur le Moulin Jaune en Seine Marne, un lieu incroyable tenu par Slava, le Charlie Chaplin russe. Il est très célèbre dans son pays, à tel point que j’ai rencontré des Russes qui venaient en France spécialement pour le voir, mais nous, nous ne le connaissons pas du tout !
Voyager doit nous permettre d’aller à la rencontre d’autres cultures et de grandir
Comment envisagez-vous le fait de voyager aujourd’hui avec la crise écologique ?
J’utilise le plus possible le train, ce qui m’a permis de faire trois fois le tour d’Europe. C’est le moyen de transport que j’utilise en priorité, avec la voiture. Prochainement, je vais profiter de l’ouverture de la ligne de train de nuit Paris-Vienne pour ensuite rejoindre la République Tchèque.
Pour d’autres voyages, je ne peux pas faire autrement que prendre l’avion. En revanche, j’essaie de mettre en valeur des destinations qui sont connues pour leurs hôtels resorts de luxe, en montrant toutes les merveilles qu’on peut y découvrir, en dehors de ces complexes sans grand intérêt. Quitte à prendre l’avion pour aller en République Dominicaine, autant le faire pour explorer les environs et profiter de beaux paysages. Voyager doit nous permettre d’aller à la rencontre d’autres cultures et de grandir.
En tout cas, si je vais continuer à utiliser l’avion de temps en temps lorsque je n’ai pas le choix, je ne le prendrai jamais pour me déplacer en France, alors que c’est aussi long en train. Prendre l’avion pour faire un Paris-Lyon, c’est une aberration.
Est-ce compliqué de trouver des endroits authentiques lorsqu’on se rend dans une destination connue pour son tourisme de masse ?
En réalité, cela n’est pas si compliqué, et en se renseignant bien à l’avance, nous découvrons plein de choses à faire. Les touristes ne sont généralement pas au courant de tout ce que nous pouvons faire d’autre que prendre le soleil : mon travail sert à donner ces informations-là.
En ce moment je prépare un voyage à l’île Maurice, qui a un peu la même réputation que la République Dominicaine. J’ai prévu de faire des randonnées, d’aller voir des cascades, de visiter une terre incroyable qui s’appelle la terre aux sept couleurs et qui est l’un des plus beaux spots de plongée au monde.
Internet et les réseaux sociaux sont une mine d’informations pour préparer ses itinéraires. Cela fait des années que je n’ai pas eu de guide de voyage entre les mains !
Comment préparez-vous vos voyages ?
J’ai la chance d’avoir une communauté qui voyage beaucoup et qui habite un peu partout dans le monde, donc je reçois régulièrement des messages pour me dire « tu devrais aller à cet endroit, c’est magnifique ! », ce qui me donne pas mal d’idées. Ensuite, je m’appuie surtout sur des blogs voyage, sur YouTube… En réalité, cela fait des années que je n’ai pas eu de guide de voyage entre les mains ! Internet et les réseaux sociaux sont une mine d’informations.
En 2016, vous avez lancé le « Verre du Voyageur », pouvez-vous nous raconter comment cela marche ?
Le Verre du Voyageur est né assez simplement, suite à un message d’un de mes abonnés qui me proposait de prendre un verre pour discuter de nos voyages. Je n’étais pas souvent en France, mais j’ai pensé que le plus simple serait de créer un événement pour se retrouver entre voyageurs autour d’un verre, de temps en temps. Lorsque j’ai créé l’événement la première fois, je m’attendais à ce que l’on soit une quinzaine, et en seulement 24 heures, plus de 600 personnes avaient rejoint l’événement ! J’ai cherché un lieu pour accueillir autant de monde, et je me suis rendu compte que ma communauté avait besoin de se rencontrer en vrai, de pouvoir discuter, autrement qu’en virtuel.
Pendant la soirée, chacun écrit sur une étiquette son prénom, le nom d’un pays qu’il connaît bien et un pays dans lequel il aimerait aller. Après Paris, j’ai organisé des éditions à Lyon, à Marseille, à Lille, à Londres, à New York, et à Montréal, et à chaque fois nous sommes plus de 1.000 personnes. L’une de mes plus grandes fiertés concernant les Verres du Voyageur, c’est que grâce à ce système d’étiquettes, une personne peut venir seule à la soirée et passer un super moment, alors qu’à Paris on ne sent pas toujours à l’aise pour venir seul à un événement. Les soirées débouchent toujours sur des belles rencontres, des voyages parfois. Plusieurs abonnés m’ont même annoncé leur mariage, quelques années après s’être rencontrés à un Verre du Voyageur !
Pourquoi avez-vous voulu créer votre marque ?
L’année dernière, j’avais lancé le jeu de société « Votre tour du monde ». Il avait eu beaucoup de succès, et je me suis dit que je voulais refaire un projet plus concret. Je trouvais qu’il manquait d’une marque qui fédère les voyageurs francophones autour de mêmes valeurs. L’idée de Périples est de créer une communauté, un esprit qui te permette de savoir que la personne a les mêmes valeurs que toi lorsque tu la croises dans une randonnée, à la gare, ou dans une auberge de jeunesse, que tu sois dans le Cantal ou à l’autre bout du monde. J’aime aussi me dire que tout comme pour le Verre du Voyageur, le projet ne m’appartient plus et que les rencontres continuent dans la vraie vie, en dehors de mon blog et de ma chaîne.
Je ne voulais pas créer une marque juste pour produire une énième ligne de vêtements, donc j’ai été très attentif à la qualité de production de Périples. Tout est en en coton bio et fabriqué en Europe, au Portugal principalement. Les bonnets, eux, sont à 100% made in France. Ma belle-sœur m’a beaucoup aidé pour le sourcing et nous sommes allés voir les usines au Portugal et à Roanne. J’accorde beaucoup d’importance à la transparence sur les conditions de production de la marque.
Pourquoi ce nom « Périples » ?
Je voulais un nom francophone, court pour être facilement mémorisable, et avec un côté un peu poétique. Le terme de « périples » est parfois vu de façon négative, mais ce sont justement les galères qui font toujours les meilleurs souvenirs de voyage que l’on raconte à nos amis. C’est quand tu prends un bus pendant huit heures, que tu fais un trajet beaucoup plus long que prévu, ou encore que tu te perds dans une ville, que tu vis les moments les plus forts.
Pour le logo de Périples, j’ai fait appel aux graphistes avec qui j’avais déjà travaillé pour mon blog Votre Tour du monde. Ensemble, nous avons réfléchi à un design qui ne soit pas trop explicite, afin de laisser place à l’interprétation de chacun. L’idée était de représenter trois chemins qui se rejoignent, dont un plus sinueux au milieu. Une façon de signifier que lorsque nous voyageons, nos chemins se croisent avec d’autres, dans une trajectoire commune qui permet d’avancer.
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