Etre recherché et livré à soi-même dans un pays étranger, voilà peut-être le cauchemar de bien des expatriés. Un cauchemar dépeint dans le film Kompromat avec Gilles Lellouche et « très librement inspiré » de l’histoire de Yoann Barberau, emprisonné en Russie en 2015 et accusé de crimes qu’il n’avait pas commis.
Au cinéma le 7 septembre, le thriller Kompromat réalisé par Jérôme Salle ne manquera pas de tenir en haleine son public avec une intrigue digne d’un opus de la saga Mission Impossible en tirant pourtant son inspiration plus de la réalité que de la fiction. Il met en scène le personnage de Mathieu Roussel, un Français expatrié en Russie victime d’un coup monté, un kompromat, violemment arrêté sous les yeux de sa très jeune fille et emprisonné en 2015 par les autorités locales. Interprété par un Gilles Lellouche toujours en grande forme, le ressortissant français parviendra à s’évader pour tenter de fuir la Russie dans une chasse à l’homme haletante. Entre ingéniosité, angoisse, abandon de sa patrie et romance éphémère, Mathieu Roussel en voit de toutes les couleurs en Russie dans sa course folle pour sa vie et sa liberté.
Une intrigue et un film « très librement inspirés de faits réels » et de l'histoire de Yoann Barbereau, le vrai Mathieu Roussel
Le film est basé sur l’histoire vraie du français Yoann Barbereau, ancien directeur de l’Alliance française d’Irkoutsk en Sibérie orientale. En 2015, celui-ci avait été victime d’un kompromat, un procédé utilisé par les services secrets russes consistant à monter un faux dossier pour faire tomber leur ennemi, et dont le film tire son nom. Il avait ainsi été accusé à tort d’actes pédocriminels, emprisonné, interné dans un hôpital psychiatrique et assigné à résidence avant de fuir le pays quelques années plus tard dans une cavale digne des plus grands films d’espionnage.
Si ce résumé sonne comme le synopsis de Kompromat, le film commence cependant en précisant être « très librement inspiré de faits réels », et se dédouane ainsi de toute incohérence ou inexactitude par rapport à l’histoire dont il s’inspire. Yoann Barbereau lui-même ne se retrouverait pas dans le script du film. Par contraintes scénaristiques ou narratives, l’histoire a ainsi été « romancée », en s’éloignant sur plusieurs points de la réalité des faits.
Kompromat, le cauchemar des expatriés provoqué par un choc de cultures
Si Yoann Barbereau ignore encore à l’heure actuelle la raison du piège qui lui a été tendu, ce n’est pas le cas dans Kompromat. Mathieu Roussel ne peut qu’émettre des suppositions mais le film identifie clairement le choc culturel entre France et Russie comme la raison principale de la manigance dont a été victime le personnage de Gilles Lellouche. La raison d’être de l’Alliance française est de promouvoir la culture de l’Hexagone à travers le monde, et celle-ci n’est pas forcément du goût de tout le monde. En Russie, elle dérange, dans le film tout du moins.
Ce « fossé culturel », comme le décrit Gilles Lellouche, mène ainsi à l’injustice dont est victime Mathieu Roussel et cristallise une peur que certains expatriés peuvent partager : celle d’être incompris, démunis, dans un pays dont on a appris les moeurs et la langue. L’impuissance ou l’inaction des institutions françaises en Russie, trop soucieuses d’éviter l’incident diplomatique, forcent Mathieu Roussel à prendre les choses en main s’il veut un jour revoir l’Hexagone et sa fille en homme libre.
Sa furieuse envie de vivre et sa volonté de ne pas mourir comme un paria sans jamais revoir sa fille le guident à travers le long-métrage et prennent le spectateur aux tripes. Sans toutefois tomber dans la caricature du héros motivé et uniquement animé par l’espoir de revoir son enfant, Jérôme Salle disperse intelligemment des allusions à la fille de Mathieu Roussel à des moments clés. Comme pour rappeler que ce dernier est encore humain, et pas seulement une bête traquée dans une partie de chasse menée par les services secrets russes.