La force majeure permet d’excuser ou de suspendre l’exécution d’obligations contractuelles sans engager sa responsabilité lorsque l’exécution du contrat devient impossible. Permet-elle dans ce cas, de suspendre le paiement des loyers ou le remboursement des prêts en cette période d’incertitude liée à l’épidémie du coronavirus ?
Tout dépend du droit applicable (droit civil ou common law) et de la rédaction de la clause de force majeure dans le contrat ou la police d’assurance.
La force majeure est une théorie à l’origine civiliste. Elle correspond à la notion d’’Act of God’ en common law. Cette même théorie connait diverses applications pratiques en fonction des évènements mais reste articulée autour des critères d’imprévisibilité, d’irrésistibilité et d’incontrôlabilité. La force majeure ne s’applique pas à un contrat dont l’exécution est devenue plus difficile ou plus onéreuse (art. 249 du Code civil des EAU). L’exécution doit être impossible pendant l’occurrence du cas de force majeure (art. 273 du Code civil des EAU).
Le droit civil est concentré sur la définition des trois critères précités alors qu’en common law, les clauses contractuelles tentent de citer tous les évènements susceptibles de survenir. Pendant longtemps, cette clause citait les cas d’épidémie et depuis quelques années, les notions de ‘nouvelle réglementation’ ou de ‘changement de la loi’ sont apparues ce qui dans le cas présent, permet de considérer que l’épidémie que nous subissons est un cas de force majeure de même que les conséquences des mesures restrictives ou contraignantes prises par les gouvernements. Toutefois, le défaut de paiement d’un loyer ou d’une mensualité ne peut être invoqué en période de force majeure dans la mesure où l’usage du bien et le prêt sont déjà mis à la disposition du débiteur. Cette situation sera résolue par une action en paiement ou un règlement judiciaire.
En fonction de la rédaction de la clause, le contrat sera suspendu ou résilié après l’expiration d’une certaine période, les parties devront obligatoirement se rencontrer ou l’évènement de force majeure devra être notifié à la partie adverse, et ce dans un délai prédéterminé, etc. L’attention est appelée sur le fait que ces clauses en général impliquent un certain formalisme dont le non-respect entraîne leur inapplicabilité. Dans tous les cas, les parties doivent faire preuve de bonne foi et de solidarité et mettre en œuvre tous les moyens permettant de réduire la portée du dommage.
À noter que la force majeure est écartée par les assureurs mais que les polices d’assurance ‘santé’ couvrent généralement les conséquences d’une épidémie notamment si elle est déclarée comme telle par les autorités sanitaires. Une fois encore, c’est la police qui fait foi sur l’étendue des garanties achetées par l’assuré.
La vigilance et la réactivité sont de mise en présence d’un cas de force majeure ou assimilé. Cela passe notamment par l’examen de la rédaction précise de la clause contractuelle et de l’appréciation des faits.
Pierre-Yves LUCAS
Avocat et Legal Consultant
BONNARD LAWSON (Dubaï)