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Rencontre avec Arnaud Rivieren : la nature au cœur du geste artistique

Arnaud Rivieren Arnaud Rivieren
Écrit par Marie-Jeanne Acquaviva
Publié le 16 octobre 2021, mis à jour le 16 octobre 2021

Natural Sublime, une nouvelle exposition qui a démarrée le 7 octobre à la galerie Custot, c’est l’occasion de découvrir Arnaud Rivieren un artiste Belge, qui réside et travaille à Dubaï. Un homme qui porte la nature et la conscience de sa beauté au cœur de ses convictions et de sa pratique, et qui travaille ici, auprès des ferrailleurs de Jebel Ali, pour créer à partir de  tôles et tubes d’acier souvent recyclés, une nature inaltérable, surdimensionnée, monumentale, et pourtant si touchante.

 

Lepetitjournal.com/dubai : À quand remonte votre pratique artistique, qui je crois est intimement liée à Dubaï ?

 

Arnaud Rivieren : Je suis arrivé en 2002, et j’ai commencé la sculpture à Jebel Ali. J’avais cet amour très intense pour l’art contemporain et aussi l’envie d’avoir des grandes pièces, égoïstement, dans mon jardin, des pièces faites pour l’extérieur. Et puis il y avait un ferrailleur juste en face de mon usine, et la rencontre avec ce maître soudeur (avec lequel je travaille toujours), c’était le bon moment et le bon endroit. Oui, ma première inspiration ce sont des pièces pour chez moi, et c’est absolument Dubaï qui m’a ouvert cette porte : c’est ici que tout s’est rassemblé, que j’ai eu l’énergie, le temps et les possibilités à ma disposition.

 

J’ai commencé par copier ce que j’aimais, puis j’ai évolué vers un style plus personnel, proche de mes convictions. Je suis en revanche resté fidèle au matériau, l’acier et l’acier inoxydable en particulier, car il supporte presque tout, et en particulier le climat de Dubaï, la chaleur, la poussière, sans s’oxyder, ni s’abîmer. Sa surface est virtuellement inaltérable, il résiste à la corrosion, sa couleur est stable. Et j’aime que mes pièces soient placées dans des cadres extérieurs.

 

Ces fruits monumentaux, mais à la peau si réaliste, et puis cet arbre, incroyable ! Dites-nous-en un peu plus sur la série qui compose cette exposition :

 

Cette série j’y travaille depuis 4 ans, j’ai commencé avec les arbres, j’en ai trois d’ailleurs, ici il n’y en n’a qu’un seul, même si j’adorerais les rassembler - il y a aussi des contraintes d’espace : ils sont vraiment grands ! J’aime naviguer entre une esthétique familière, narrative, figurative, et l’abstrait. J’ai pris beaucoup de plaisir avec cette série. Remettre la nature au centre avait beaucoup de sens à mes yeux. Il s’agit vraiment d’un exercice esthétique : en magnifiant une forme presque à l’extrême on redécouvre le respect pour une beauté inhérente à l’objet banal qu’on ne voit plus. Qui regarde une pomme en ayant encore le regard assez neuf pour y voir toute sa beauté et sa perfection… ? Pour moi, l’artiste restera toujours bien incapable d’égaler la nature dans la beauté. J’aime cette position d’humilité qui « donne à voir », rendre la beauté aux formes les plus naturelles et les plus simples : magnifier ces proportions parfaites qu’on ne voit plus.

Arnaud Rivieren

 

Comment parvenez-vous à ce rendu, ces finitions, deux mots sur votre processus créatif ?

 

Chaque pièce demande entre 300 et 500 heures de travail à toute mon équipe, une 50aine de gabarits, et beaucoup d’étapes très techniques. L’aboutissement de cette lenteur dans la réalisation, et de cette exagération des formes c’est une représentation de la beauté, qui est la mienne : « L’art ce n’est pas copier la nature, mais l’exprimer à sa manière » écrivait Honoré de Balzac.

 

Je travaille le plus possible avec des matériaux recyclés, en particulier pour l’arbre, car il est facile de mettre la main sur des tubes issus de l’industrie pétrochimique par exemple, et que je peux recycler. De même pour les rochers, où la finition est faite de plusieurs plaques soudées. En revanche pour les fruits c’était plus délicat, il me fallait des tôles en très bon état. Mais oui, dès que cela est possible j’y tiens. Aujourd’hui j’ai deux ateliers, un à Jebel Ali, l’autre à Al Quoz, où les multiples étapes de la réalisation sont réparties : souder, plier, polir, le rendu final… les procédés sont nombreux et très différents.

 

Travailler avec une équipe bien entendu m’apporte leur expertise technique, mais aussi un dialogue et un échange. Mon maître soudeur, le même depuis près de 15 ans donc, a vraiment développé un regard et j’apprécie de travailler à ses côtés. Par exemple il a adoré travailler sur le poivron parce-que justement il a perçu exactement ce que j’essaye de transmettre : la beauté, la perfection, la complexité d’une forme naturelle qu’on ne regarde plus… en tout cas pas avec un regard empreint d’admiration esthétique pour sa complexité, son épure, tout simplement sa beauté.

 

Et ces autres pièces, ces rochers flottants que vous avez nommé les Erratics, d’où viennent-elles ?

Pour les rochers aussi, la démarche est de partir de la nature. Chacun d’entre eux est la reproduction fidèle d’une pierre que j’ai ramassée, ils portent d’ailleurs le nom de l’endroit où je l’ai trouvée. Donc ce ne sont pas des formes dessinées de ma main. L’inspiration vient de ces immenses blocs rocheux déplacés par les grandes fontes des glaciers et laissés comme au hasard et mystérieusement posés au milieu de plaines, ou d’étendues vides.

 

Pensez-vous que cette série soit intimement liée à Dubaï, l’auriez-vous créée ailleurs ?

 

Non je ne pense pas que j’aurais réalisé la même chose ailleurs, comme nous l’avons évoqué je pense que Dubaï a réuni un faisceau de conditions, d’inspiration, de possibilités, elle m’a donné l’espace, le temps et la conviction aussi. Je porte en moi une conviction écologique profonde, et si mon travail tend vers le beau, il est aussi le fruit de mes convictions : nous devons respect et admiration à la Nature, et mon geste artistique est aussi une expression de ce respect infini.

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