Ce lundi 22 janvier 2024 doit marquer l’inauguration du temple Rama à Ayodhya. Un projet d’ampleur financé par des dons massifs et largement soutenu par le gouvernement qui vise à faire du temple un lieu de pélerinage majeur. Mais le terrain sur lequel il est construit a une histoire tumultueuse... Cette semaine, notre chronique juridique se penche sur les racines historiques du différend entre muslumans et hindous qui a marqué l’histoire d’Ayodhya et sur les batailles juridiques qui ont suivi.
Le Premier ministre indien, Narendra Modi, accorde une telle importance à l’inauguration du temple Rama à Ayodhya qu'il a annoncé sur son compte X (anciennement Twitter) avoir entamé un anushthan, une purification cérémoniale spéciale de 11 jours, préalable au pranpratishtha, la cérémonie qui donnera vie au temple avec l’installation de l’image du Lord Rama.
L'objectif du gouvernement est, par la suite, de faire d'Ayodhya la "capitale spirituelle du monde, avec le tourisme religieux comme centre d’attraction".
With only 11 days remaining until the Pran-Pratishtha of Bhagwan Shri Ram in Ayodhya, PM @narendramodi embarks on a special 11-day Anushthan beginning today.
— narendramodi_in (@narendramodi_in) January 12, 2024
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La consécration du temple Rama d’Ayodhya : une cérémonie autant religieuse que politique
Cette cérémonie de consécration revêt une importance autant religieuse que politique. La principale figure de l'opposition, Sonia Gandhi, demeure indécise quant à sa participation, tandis que le Premier ministre a déjà entamé son parcours de purification en prévision de l'événement.
L'opposition soutient que l’inauguration du temple en pleine année électorale est une décision politique, puisque la deuxième phase du temple, comprenant les premier et deuxième étages, ne sera probablement achevée qu'en décembre 2024, et que la troisième et dernière phase, comprenant sept autres temples répartis aux quatre coins du complexe, ne devrait être complétée qu’en décembre 2025.
L'invitation à cet évènement est également un indicateur d'influence prépondérante au sein de l'industrie et de la société civile. Des invitations personnelles ont été adressées à plus de 3000 personnalités, parmi lesquelles des sportifs (Virat Kohli), des industriels (Ambani, Tata, Adani) et des artistes (Amitabh Bachchan ainsi que Rajinikanth). C’est l’une des invitations les plus prisées de l'année.
Ayodhya : les origines du conflit entre musulmans et hindous
Tout débute en 1528, lorsque l'empereur moghol Babur ordonne la construction d'une mosquée sur le site contesté. Depuis lors, musulmans et hindous se disputent l'emplacement actuel du temple, considéré par de nombreux hindous comme le lieu de naissance de Rama, l'une des principales divinités de la religion hindoue.
En 1859, face à un conflit persistant, le gouvernement britannique de l'Inde érige une clôture pour permettre aux musulmans de prier à l'intérieur de la mosquée et aux hindous à l'extérieur. Cette situation perdure, plus ou moins en harmonie, jusqu'au fatidique décembre 1992, lorsqu'un rassemblement politique organisé par le BJP et les dirigeants d'organisations ultranationalistes hindoues se tient sur le site pour des prières.
Cela dégénère en émeute, conduisant à la démolition de la mosquée Babri Masjid qui se trouvait sur le terrain, et déclenchant des émeutes communautaires à travers le pays, s'étendant jusqu'au Bangladesh et au Pakistan voisins.
Le différend devant la justice
Suite à la démolition de la mosquée par les émeutiers, une affaire de titre foncier a été portée devant la Haute Cour d'Allahabad.
En 2010, dans un jugement de Salomon, contesté en appel par toutes les parties, la Haute Cour a décidé que le terrain devait être divisé en trois parties, dont un tiers devait être attribué à une association musulmane. La Cour a néanmoins reconnu les informations fournies par l’Archeological Survey of India selon lesquelles une structure de temple existait sur le terrain bien avant la construction de la mosquée.
Il a fallu neuf ans, une célérité inhabituelle dans le système judiciaire indien, pour que la Cour Suprême tranche finalement le différend Ram Janmabhooni – Babri Masjid. En 2019, la Cour a donc décidé que le terrain de 2,77 acres devait être cédé à une institution fiduciaire hindoue pour la construction d’un temple. À titre de comparaison, la superficie contestée est un peu plus grande que la base de la Tour Eiffel (2 acres). Cette décision a marqué un tournant décisif dans la construction du temple
La cour a également ordonné au gouvernement d'attribuer un terrain alternatif de 2 hectares (5 acres) au Conseil central sunnite du Waqf de l'Uttar Pradesh pour la construction d’une mosquée.
Lire aussi : Démolition de la mosquée Babri : un verdict attendu depuis 1992
Le temple de Ram à Ayodhya : bientôt 300 000 visiteurs par jour ?
Aucune dépense n'a été épargnée dans la construction de cette structure, qui sera inaugurée avec éclat. La décision de la Cour suprême a donné le coup d’envoi à la collecte de dons auprès des familles hindoues à travers l’Inde, mobilisant près de 130 millions de familles qui ont donné de l'argent à cet effet.
Ce mouvement a incité le gouvernement à investir plusieurs centaines de millions de dollars dans les infrastructures, avec un plan s’étalant sur les 10 prochaines années.
Les autorités sont confiantes que, à son apogée, la nouvelle commune pourra accueillir jusqu'à 300 000 visiteurs PAR JOUR. Si ces chiffres se vérifient, Ayodhya accueillera plus de pèlerins chaque mois que les sept millions de visiteurs qui affluent chaque année à Lourdes, en France.