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Savitribai Phule, première femme enseignante et pionnière du féminisme en Inde

Le buste de Savitribai Phule à Pune en IndeLe buste de Savitribai Phule à Pune en Inde
Chawla.nishant
Écrit par lepetitjournal.com Bombay
Publié le 8 mars 2023, mis à jour le 19 décembre 2023

Pour la Journée internationale des droits des femmes 2023, la rédaction vous propose de découvrir Savitribai Phule, première femme enseignante en Inde et pionnière du féminisme indien et des mouvements contre l’oppression des minorités. C'est son combat et son histoire qui marquent le début de la vie publique des femmes indiennes modernes. 

Enseignante, activiste et poète, Savitribai Phule a dédié sa vie à celle des femmes et des opprimés. Son poème intitulé "Go, Get Education" lance un appel clair à la poursuite des études pour tous et à l’abolition du système des castes.

En 2015, le rôle de cette femme hors pair dans l’émancipation des femmes et des minorités en Inde a finalement été reconnu par la ville de Pune dans le Maharashtra, dans laquelle elle a vécu et travaillé. L’université de Pune s’appelle désormais Université Savitribai Phule Pune.

 

L'université Savitribai Phule à Pune
L'université Savitribai Phule à Pune - @Komal Sambhudas


 

Savitribai Phule devient la première enseignante indienne

Savitribai Phule est née en 1831 dans une famille Dalit (ndlr : les communautés aussi appelées intouchables). Mariée à 10 ans à Jyotirao Phule, qui n’était pas beaucoup plus âgé (il avait 13 ans), elle réussit à poursuivre son éducation avec l’aide de son mari qui la forme chez eux. Il l’inscrit ensuite à une formation d'enseignant dans un institut à Ahmednagar puis dans une école spécialisée à Pune. 

Savitribai Phule devient la première femme enseignante en Inde. À une époque où il était considéré comme inacceptable pour les femmes d’être éduquées, le couple ouvre une école pour filles à Pune, en 1848, qui devient la première école de filles du pays. Mais ils se heurtent tous les deux aux conventions et à la structure rigide de la société indienne de l’époque.

Suite aux pressions de sa communauté pour que le couple cesse son activité jugée non conforme aux règles en usage ou s’en aille, le père de Jyotirao Phule les met à la porte de la maison familiale. Ils sont alors accueillis par leurs amis, Usman et Fatima Sheikh, un frère et une sœur musulmans, qui sont sensibles à leur combat pour les minorités. Ces derniers font preuve d’un grand courage en ouvrant les portes de leur demeure à ces activistes en avance sur leur temps. Fatima Sheikh est la première femme musulmane indienne à avoir suivi une formation d’enseignante à Ahmednagar en même temps que Savitribai Phule. Ensemble, les deux femmes fondent une école pour filles dans la maison de Fatima.

 

Bustes de Savitribai et Jyotirao Phule à Pune
Jyotirao et Savitribai Phule - @Priyanka bhise

 

Savitribai et Jyotirao Phule ouvrent ensuite d'autres écoles pour filles, pour les membres des basses castes et pour les Dalits à Pune, ce qui provoque le mécontentement des nationalistes indiens. Ceux-ci s'opposaient à la création d'écoles pour les filles et pour les non-brahmanes (ndlr : les brahmanes étant la caste la plus haute), estimant que ne pas suivre les règles du système des castes nuirait à l’identité indienne.

 

Timbre poste indien de 1998 commémorant Savitribai Phule
Timbre poste indien de 1998 commémorant Savitribai Phule

 

 

Un article de 1852 paru dans The Poona Observer indique que "le nombre d'étudiantes de l'école de Jyotirao et Savitribai est dix fois supérieur au nombre de garçons étudiant dans les écoles publiques. Cela s'explique par le fait que le système d'enseignement pour les filles est bien meilleur qualitativement que celui en place dans les écoles publiques qui n’accueillent que des garçons. Si le Conseil de l'éducation du gouvernement ne fait pas quelque chose à ce sujet rapidement, voir ces femmes surpasser les hommes nous fera baisser la tête de honte.


Savitribai Phule s'engage pour l’émancipation des femmes

Avec son mari, Savitribai Phule crée le Balhatya Pratibandhak Griha ("Maison pour la prévention de l'infanticide") pour les veuves enceintes victimes de discrimination qui peuvent venir y accoucher en toute sécurité et laisser leur enfant à l’adoption si elles le souhaitent. Savitribai Phule est inspirée par un fait divers de l’époque : une jeune veuve brahmane est  condamnée à la prison à vie dans les îles Andaman après avoir tué son nouveau-né, l’homme qui l’avait violée ayant refusé de reconnaitre l’enfant. 

 

Statues de Savitribai et Jyotirao Phule à Aurangabad en Inde
Statues de Savitribai et Jyotirao Phule à Aurangabad - @संदेश हिवाळे

 

Savitribai Phule prône également les mariages inter-castes, le remariage des veuves et l'éradication des mariages d’enfants, de la pratique du sati (ndlr : le nom du sacrifice des veuves qui s’immolent sur le bûcher funéraire de leur mari) et des systèmes de dot. 

En 1873, le couple fonde la Satyashodhak Samaj ("Société des chercheurs de vérité"), une plate-forme ouverte à tous, indépendamment de la caste, de la religion ou de la hiérarchie de classe, dans le seul but d'apporter l'équité sociale. Il lance le "mariage Satyashodhak" - un rejet des rituels brahmaniques où le couple qui se marie s'engage à promouvoir l'éducation et l'égalité.

 

Peinture Madhubani de Malvika Raj représentant Savitribai Phule
Peinture Madhubani de Malvika Raj représentant Savitribai Phule comme Mai, la mère

 

Lors de la procession funéraire de son mari, le 28 novembre 1890, Savitribai Phule défie les conventions en accomplissant elle-même le rituel funéraire qui est aujourd'hui encore réservé aux hommes. 

Savitribai Phule décède de la peste bubonique lors de l’épidémie qui a dévasté le Maharashtra en 1897. Elle a contracté la maladie en venant au secours des malades.

 

Les œuvres littéraires de Savitribai Phule

Savitribai Phule a publié son premier recueil de poèmes, intitulé Kavya Phule ("Les fleurs de la poésie"), à l'âge de 23 ans, en 1854. En 1892, elle termine son dernier recueil, Bavan Kashi Subodh Ratnakar ("L'océan des pierres pures").

Ses œuvres ont été rassemblées dans un livre intitulé "The Complete Works of Savitribai Phule", publié en 1854. Il comprend 41 poèmes sur les thèmes de la nature et des questions sociales, mais aussi des poèmes historiques.

Certains de ses poèmes soulignent la nécessité d'apprendre l’anglais pour parvenir à s’émanciper des structures rigides de la société indienne de l’époque, comme on peut le lire (traduction littérale de la version anglaise) :

 

"Fais de l'autonomie ton occupation,
Efforce-toi de rassembler les richesses de la connaissance,
Sans la connaissance, les animaux restent muets,
Ne te repose pas ! Efforce-toi de t’éduquer.
L'occasion est là,
pour les Shudras et les Ati Shudras,
d'apprendre l'anglais
pour dissiper tous les malheurs.
Abandonnez l'autorité
du brahmane et de ses enseignements,
brisez les chaînes de la caste,
en apprenant l’anglais."

Depuis quelques années, plusieurs appels ont été lancés pour déplacer la journée des enseignants au 3 janvier, le jour de la naissance de Savitribai Phule

Depuis 1962, cette journée est célébrée le 5 septembre et correspond à l'anniversaire du premier vice-président et deuxième président de l'Inde indépendante, le Dr Sarvepalli Radhakrishnan (1988-1975), qui était brahmane.


 

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