Dominique Fieux est un chef français étoilé, installé en Inde depuis 2018. De ses débuts en France à l’ouverture de son restaurant à Dehradun, en passant par une rencontre inattendue et déterminante, il partage avec nous les moments forts de son expérience indienne et de l'ouverture de son restaurant concoctions.
lepetitjournal.com : Bonjour Dominique ! Pouvez-vous commencer par présenter votre carrière et votre vie d’avant l’Inde ?
Dominique Fieux : Je suis Jurassien d’origine, j’ai 60 ans et 46 ans d’expérience derrière les fourneaux ! Lorsque j’avais 14 ans, j’ai aperçu des élèves cuisiniers en uniforme et ça a déclenché ma vocation. J’ai très vite commencé les cours en école hôtelière et le travail en cuisine.
Ensuite, j’ai travaillé dans beaucoup de restaurants pour découvrir la cuisine de plusieurs régions, mais jamais dans de grandes maisons étoilées. J’ai fait mon parcours par moi-même en demandant toujours conseil à beaucoup de chefs. Je n’hésitais pas à frapper à la porte d’un restaurant plus coté que celui dans lequel je travaillais, dans la même ville, pour demander des conseils.
J’ai toujours fait ma propre formation en posant des questions.
Quand on me disait « Tu sais ça ? », je répondais toujours non, pour en apprendre encore plus !
Je suis ensuite parti en Guadeloupe. Ça a été l’occasion de partir de la métropole tout en restant en terrain connu, avec des bases françaises. Ce fut une expérience un peu difficile. Je suis arrivé en 1989, juste après l’ouragan Hugo, qui avait dévasté l’île et arrêté le tourisme. Je suis resté seulement un an.
Ensuite je suis rentré, en Bourgogne, et c’est là où j’ai le plus appris, le plus eu de contacts, et où j’ai vraiment commencé ma carrière à un haut niveau.
Puis j’ai ouvert un restaurant dans le Jura. Après seulement trois mois, nous avions un 15/20 dans le Gault et Millau, et je décrochais mon étoile Michelin.
Et au même moment, j’étais appelé par un gros hôtel de Dijon, l’Hôtel de la Cloche, où nous avons vraiment fait beaucoup pour la gastronomie bourguignonne.
À quelle occasion êtes-vous arrivé en Inde ?
J’ai reçu un coup de téléphone un dimanche matin, à 8 heures. C’était l’ancien propriétaire d’un hôtel où j’avais tenu les cuisines et assuré la direction. Il avait un ami qui ouvrait un resort en Inde, à Jaipur et cherchait un cuisinier. Je lui ai dit, ne t’inquiète pas, j’ai celui qu’il te faut ! Une demi-heure après, je parlais au propriétaire du futur resort, et nous discutions des détails.
Et moi, je ne savais même pas situer Jaipur sur une carte !
À une époque, j’avais failli partir au Japon, en 1988. J’avais été finaliste du concours international Taittinger, qui était à l’époque le plus important concours de cuisine en France, puisque le Bocuse d’Or n’existait pas encore, et c’était le plus gros concours après celui du Meilleur ouvrier de France. C’était un concours international qui sélectionnait un chef de cuisine par pays. On était quatre chefs français pour représenter la France, et je suis allé jusqu’en finale. À cette époque, tous les chefs voulaient partir au Japon, le pays le plus intéressant pour s’expatrier. Le Canada offrait aussi beaucoup de place pour les cuisiniers à l’époque.
Jamais je n’aurais pensé à l’Inde ! Comme j’adore les challenges, je me suis dit « Pourquoi pas ! ».
En avril 2018, avant l’ouverture du Buena Vista resort, j’ai proposé au propriétaire de le rejoindre en Inde et de cuisiner pour son mariage. Il était ravi ! Je suis resté un mois, puis je suis venu m’installer pour de bon, à l’ouverture de l’établissement, en octobre 2018.
C’est un très bel hôtel, qui compte 52 villas avec piscine et jardin privatifs, et quatre points de restauration, entièrement dans le style du Rajasthan.
L’expérience a-t-elle été tout de suite positive, ou y a-t-il eu un temps d’adaptation nécessaire ?
Aujourd’hui, pour moi, l’expérience n’est pas négative, tout est constructif, mais ce n’est pas ce que je proposerais à des nouveaux arrivants. Quand je m’investis, je m’investis pleinement. Je suis arrivé en 2018, et je n’ai pas quitté le resort jusqu’au début du lockdown (ndlr : le confinement) ! Je n’en sortais que pour acheter mon shampoing et mon dentifrice, je ne connaissais que le supermarché où je faisais mes courses ! Voilà pour le côté humain, je n’ai rien vu, j’étais à 100 % dans mon travail.
Côté professionnel, la cuisine d’un gros resort, qu’elle soit indienne, chinoise, continentale, ce n’est que de la caricature de cuisine.
Quant à la cuisine indienne, j’ai beaucoup appris techniquement, bien sûr, c’était très intéressant, mais ce ne sont pas les saveurs que je vois aujourd’hui tous les jours, et que je travaille tous les jours. Je faisais de la cuisine fusion. Je travaillais avec mes chefs indiens qui me présentaient des plats indiens, que je décortiquais entièrement pour les recuisiner à la façon française, donc d’une manière complètement différente.
Prenez un laal maas, qui est un plat d’agneau typique du Rajasthan, je le transformais en un gigot d’agneau de 11 heures, mais avec les saveurs indiennes. Avec le gobi matar, du chou-fleur en sauce à l’indienne, je faisais une mousse de chou-fleur servie avec la sauce traditionnelle du Rajasthan. Très intéressant, mais ça reste une cuisine pour touristes occidentaux, qui n’osent pas aller manger dans un dhaba (ndlr : un petit restaurant indien typique, souvent installé au bord d’une route), et la cuisine italienne ou française est destinée aux touristes indiens qui découvrent la cuisine continentale.
Le conseil que je donnerais à un cuisinier qui veut venir en Inde, c’est qu’un resort n’est pas le meilleur endroit pour découvrir la cuisine indienne.
Et donc vous faisiez de la cuisine française relevée ?
Au départ, quand j’ai commencé à cuisiner français sur ce resort, les assiettes revenaient pleines en cuisine. Les clients refusaient les plats uniquement d’après l’aspect visuel, sans goûter, parce que ce n’était pas leurs habitudes culinaires. J’ai eu un moment de doute et j’ai tout remis en question. Puis j’ai commencé à travailler les épices.
Le lockdown a mis fin à cette expérience ?
Le propriétaire du resort, qui est français, était en France et devait rentrer en Inde le lendemain de la fermeture de l’aéroport de Delhi... Il fallait donc que je reste pour qu’il y ait un responsable sur place. J’ai passé mon lockdown au resort, à gérer des travaux, comme il y en a toujours à faire dans ce genre d’établissements : infiltrations d’eau repérées pendant la mousson, améliorations et réparations diverses... Et c’est à cette période que j’ai rencontré Nandini, ma compagne.
Comment votre rencontre a-t-elle été possible en plein lockdown ?
Je cherchais des manières de rencontrer du monde et de ne pas rester sans rien faire. Lors du dernier repas avec le propriétaire et son épouse, celle-ci m’a suggéré de m’inscrire sur Tinder. Je n’en avais pas du tout envie, mais elle m’a convaincu en me disant que beaucoup de gens utilisaient l’application pour nouer des relations amicales. Je me suis inscrit fin janvier 2020, mais ça n’a rien donné. J’ai été contacté pour des propositions peu honnêtes ! Mais en avril, je reçois un message de Nandini. Nous avons tout de suite commencé à discuter de cuisine. Elle adore cuisiner.
Pour me rassurer sur sa personne, elle me propose de rechercher son nom sur internet : Nandini Vaidyanathan. Là, je découvre qu’elle est cheffe d’entreprise, elle possède un cabinet de conseil et mentoring pour des chefs d’entreprise et des start-ups, elle a des bureaux à Bangalore, en Malaisie, à Singapour et dans la Napa Valley. Elle gère toutes les associations du Prince de Brunei... Elle est professeure d’université, elle a écrit plusieurs livres... Passionnant !
On discute de beaucoup de choses, par messages écrits. Je voulais faire une discussion vidéo, mais elle n’était pas trop d’accord, n’ayant pas pu aller chez le coiffeur à cause du lockdown ! Et je ne parlais pas très bien anglais... Puis nous avons finalement fait une discussion vidéo. Je me suis connecté avec un bouquet de fleurs à la main, et nous avons discuté comme si nous étions assis à une table de café. Une autre fois, nous avons « pris un verre ensemble ». Chacun sur son 31 avec un verre devant soi !
J’étais à Jaipur et elle à Bangalore. 2 750 kilomètres nous séparaient ! Avec ses qualités de manageuse et d’entrepreneuse, Nandini a organisé notre rencontre dès la fin du lockdown et m’a envoyé un billet d’avion ! Elle m’a écrit une lettre d’invitation par le biais de sa société pour que je puisse voler pour « affaires », alors que les vols étaient réservés aux voyages business.
Comment s’est passée votre première rencontre « en vrai » ?
Avec mon anglais approximatif, mon masque sur la bouche et ma visière de protection faciale, je suis arrivé à l’aéroport de Bangalore qui était complètement désorganisé, avec de longues files d’attente et face à un agent qui ne parlait pas un mot d’anglais. Un agent m’emmène ensuite hors de l’aéroport, et je ne sais pas ce qui se passe exactement ! Nandini arrive, lui parle en hindi et me prend par la main pour me « délivrer » !
Elle m’accueille chez elle, et, quatre jours plus tard, un nouveau lockdown est déclaré à Bangalore. Nous sommes donc bloqués ensemble, et Nandini me dit un matin, « nous nous entendons bien et je n’ai pas envie d’une relation à distance et ponctuelle, je déménage à Jaipur ! ». Si c’était dans un film, la scène paraîtrait invraisemblable ! Elle a programmé notre départ ensemble à Jaipur pour le 1er juillet 2020. Puis, le 21 juillet, elle revenait me voir à Jaipur ! Nous avons visité des appartements le jour même, et le lendemain nous signions le bail. Le 1er août, nous emménagions ensemble.
J’étais très surpris, et je me suis posé quelques questions, mais en même temps je connaissais déjà bien Nandini et je savais que nous étions sincères. Maintenant que je la connais encore mieux, je sais que c’est dans son caractère de savoir ce qu’elle veut et de prendre les choses en main !
Avez-vous remarqué des différences culturelles entre vous ?
Nous comparons souvent nos deux cultures, bien sûr. Nous avons tous les deux une grande soif d’apprendre, et c’est sûrement pour ça qu’on s’entend très bien.
Elle aime que je ne sois pas indien, ce qui enrichit notre relation. Elle apprécie certainement une certaine attention que je lui porte, quelque chose qu’elle ne connaissait pas dans sa culture.
Également un certain savoir-vivre à la française... Je me souviens par exemple du portier au resort, qui ouvrait la porte pour le mari qui entrait, et ne la tenait pas pour l’épouse qui suivait ! J’étais le seul à tenir la porte et laisser passer les clientes !
De son côté, Nandini m’a ouvert les yeux sur la bêtise que je faisais en venant en Inde sans vivre l’Inde.
Aujourd’hui, je vis l’Inde, alors qu’avant je vivais en Inde. J’aurais pu être dans n’importe quel autre pays, ça aurait été pareil !
Elle m’a appris énormément. Nous voyageons beaucoup. En une année, nous avons fait 6-7 voyages dans des régions différentes. Les guides qui nous accompagnent sont des guides locaux, la démarche est différente, Nandini entame des discussions très intéressantes avec eux. Nous avons visité le Taj Mahal où j’ai pu apprendre des détails précis sur le lieu et son histoire, comme rarement les touristes peuvent le faire. Je vis l’Inde comme un Indien grâce à elle.
Quand avez-vous décidé d’ouvrir un restaurant à Jaipur ?
Nandini avait envie depuis une dizaine d’années d’ouvrir un restaurant. Elle adore cuisiner, et la culture autour de la cuisine et de la nourriture est très populaire en Inde.
Faire à manger est comme une religion ici !
Par exemple, on ne peut pas laisser les gens l’estomac vide. Quand un fournisseur ou un livreur vient au restaurant, on ne le laisse pas repartir sans qu’il ait bu un thé ou une boisson fraîche, ou sans qu’il ait mangé si c’est l’heure du repas. C’est typiquement indien !
Nandini voulait donc ouvrir un restaurant. Elle a écrit un petit livre sur sa vision de la cuisine, sur comment elle cuisine à l’instinct. J’ai lu ce livre lors de mon premier séjour à Bangalore. Nous avons rapidement cuisiné à quatre mains, et nous avons créé un site internet appelé concoctions.fr. Nous y partagions des photos de nos plats, de nos expériences culinaires.
À Jaipur, je suis retourné travailler au resort, qui accueillait beaucoup de mariages. Je commençais les journées à 6 heures et terminais à 3-4 heures du matin, trois jours d’affilée. Face au succès du site internet et à ce rythme de travail devenu pesant, Nandini a proposé qu’on ouvre un restaurant. Et quand Nandini dit « Nous pourrions faire ça », cela signifie, « Faisons-le » ! Ça a pris deux mois : nous avons eu l’idée du restaurant début avril 2021, et nous avons ouvert début juin !
Et vous avez arrêté de travailler au Buena Vista resort ?
J’étais encore sous contrat jusqu'à fin décembre 2021. Mon idée était de mettre quelqu’un en place au restaurant, d’y cuisiner le matin, et de partir à 11 heures travailler au resort (hors jours de mariage). Le propriétaire n’a pas été enchanté de savoir que j’ouvrais un restaurant et il a mis fin à notre contrat, ce qui n’était pas plus mal. Et nous sommes restés amis, donc tout va bien !
Comment s’est passée l’ouverture de Concoctions ?
Nous avons visité seulement deux lieux possibles. Le second lieu était une havelî (ndlr : une maison de maître typique du Rajasthan et du Gujarat), dont le propriétaire voulait louer tout le rez-de-chaussée. Avec ma vision de la restauration à la française, j’imaginais déjà une spacieuse cuisine, une vaste salle avec de belles tables nappées pour faire des dîners prestigieux... Mais, Nandini trouvait l’espace trop grand.
À côté de l’havelî, nous avons découvert un jardin avec une petite cabane au fond, appartenant au même propriétaire. La cabane faisait 6 mètres par 6 mètres et n’avait que deux pièces ! Et au moment où je me disais que c’était beaucoup trop petit, Nandini a dit : « C’est exactement ce qu’il nous faut ! » Les travaux de rénovation et d’aménagement ont été faits en un mois.
Comment se présente le restaurant ?
Dans le restaurant, nous avons une petite pièce où nous pouvons accueillir 15 couverts, et nous avons 40 places à l’extérieur. Une extension a été construite pour l’installation de toilettes, c’est une magnifique pièce en marbre de 16 m² ! L’emplacement est merveilleux !
Nos clients indiens adorent ce côté mignon et intimiste. Le principe est qu’ils viennent chez nous comme nous invitons nos amis à la maison. C’est le concept de Concoctions.
80 % des clients réservent leur table via Whatsapp ou le site internet. Ils ont deux options. Ils peuvent commander des plats, 24 heures à l’avance, ou choisir parmi le menu du jour. Chaque jour, en fonction de nos envies et des produits, nous proposons une dizaine de plats, desserts et viennoiseries compris.
Nous accueillons les clients, discutons, leur servons ce que nous avons préparé... C’est comme s’ils venaient à la maison, sauf qu’ils payent à la sortie !
Nous publions tous les matins le menu du jour sur Instagram. Si nous sommes un peu en retard, les clients m’envoient des messages pour me réclamer le menu ! Récemment, j’ai fait un brownie chocolat blanc avec une crème glacée aux raisins, des clients sont venus exprès pour ça !
Quelle est le style de cuisine chez Concoctions ?
C’est une cuisine à l’humeur, à l’inspiration ! 100 % végétarienne, selon la définition indienne, c’est-à-dire sans œufs. J’ai donc modifié toutes mes recettes de pâtisseries.
Je fais une crème pâtissière sans œufs, c’est facile ! Pâte à tarte sans œufs également, l’œuf ne sert qu’à conserver la pâte et la rendre riche. Pour la pâte à choux, c’est plus difficile, car une pâte à choux sans œufs est dure, c’est juste de la farine et du beurre.
Pour ces défis-là, je me sers de mes 46 ans de cuisine !
Je remplace l’œuf par le « curd », le yaourt indien, mélangé avec de l’huile. Je fais une émulsion et j’ajoute un peu de levure pour faire gonfler. Et on obtient le même résultat !
C’est le côté intéressant d’arriver dans un pays où on ne veut pas limiter les possibilités. Je fais des choux à la crème, des choux chantilly, des pièces montées avec des choux, sans œufs !
C’est ce que je veux faire en Inde, adapter des recettes qui ne se font pas souvent ici car il y a normalement de l’œuf dedans, ou de la viande.
J’essaye donc de nouvelles choses et j’ai vraiment découvert la cuisine indienne avec Nandini finalement. Je peux donc maintenant m’en inspirer. Pour préparer notre caviar d’aubergines, nous faisons griller les aubergines directement sur le feu, comme le font les Indiens et comme le fait Nandini.
Cette odeur de l’aubergine grillée le matin quand Nandini préparait un petit déjeuner typique, c’est ma plus belle découverte olfactive en Inde !
Aujourd’hui, toute ma cuisine est basée sur des arômes d’Inde du Sud, d’où vient Nandini. C’est pour ça que je conseillerais aux cuisiniers français qui viennent découvrir d’aller tester la street food, les restaurants traditionnels, et de ne pas s’enfermer dans une cuisine internationale ou fusion.
Notre restaurant se démarque aussi par ses tarifs bas, car Nandini a toujours voulu que la bonne cuisine soit accessible à tous.
On peut manger et boire chez nous pour moins de 500 roupies. Je pense que je suis le chef étoilé Michelin le moins cher du monde !
Le nom Concoctions se prononce à la française ?
Oui, c’est rentré dans les mœurs facilement auprès de nos clients indiens.
Et maintenant, vous avez un nouveau projet...
Oui. Le loyer que nous payions était très bas, car il avait été négocié pendant le lockdown. En Inde, les loyers sont revus tous les 11 mois, et le propriétaire est libre de décider de l’augmentation. Le nôtre aurait pu doubler.
Or, nous ne voulions pas augmenter nos prix, ni le nombre de couverts. En plus, nous avions pris la décision, dans un avenir proche, de n’ouvrir que les vendredis, samedis et dimanches, afin de privilégier notre vie privée. Et puis Nandini est occupée par ses activités, et moi je commence aussi à faire du consulting pour des restaurants. Donc nous savions qu’en cas d’augmentation, Concoctions était remis en question.
Nous sommes aussi adeptes de la montagne. La dernière fois que nous avons fait un trek en montagne, c’était le 31 décembre 2021 à Mussoorie. Nandini me dit alors : « Assieds-toi », et je savais qu’elle avait quelque chose derrière la tête ! « Pourquoi n’ouvririons-nous pas Concoctions dans la région ? ». Nous avons donc commencé à prévoir de vivre à Mussoorie et d’ouvrir Concoctions à Dehradun, qui est un lieu de villégiature privilégié pour les habitants de Delhi, le week-end. L’idée était lancée !
L’ouverture du nouveau Concoctions est prévue pour quand ?
Le restaurant Concoctions de Jaipur a fermé le 27 mars, notre bail s’arrêtant le 31 mars, et l’ouverture de Concoctions Dehradun est prévue pour le 13 mai 2022 ! Encore une fois, tout va très vite ! Le concept sera le même, avec cette fois une séparation entre le restaurant et la pâtisserie.
Ici, à Jaipur, je vends énormément de croissants, plus que je ne peux en faire ! Nous allons donc proposer beaucoup de fougasses, baguettes, croissants, pizzas authentiques...
Une fois, j’ai fait des kouign-amanns, les clients ont adoré. Les Indiens sont très curieux, c’est ça qui est bien. Pour une cliente qui voulait goûter de la pizza, mais n’aimait pas la tomate, j’ai lancé la flammenkueche. Par la suite, j’ai fait plus de flammenkueches en Inde que dans toute ma carrière en France ! Nous avons remplacé les lardons par des carottes émincées, bien sûr, pour notre carte végétarienne.
Concoctions Dehradun sera ouvert du vendredi au dimanche, de 9 h à 18 h pour la pâtisserie. La partie restaurant sera ouverte de 12 h à 18 h le vendredi et le dimanche, et le samedi de 12 h à 22 h.
En février 2022, vous avez participé à un concours Master Chef en Inde. Comment ça s’est passé ?
C’est un concours professionnel organisé par le Royal Bengal Master Chef Organization. Je suis arrivé très français, et je suis reparti un peu plus indien ! J’ai compris que pour vivre en Inde, il faut abandonner ses a priori et profiter de l’instant... C’est l’un de mes cuisiniers en Inde qui m’a proposé de participer. Encore une fois, je dois ma participation à Nandini qui m’a inscrit par téléphone le jour même de la réception du message !
J’ai fait beaucoup de concours de cuisine en France, et dans mon esprit, il était inutile de participer si c’était pour ne pas finir premier.
Pour le concours, il fallait envoyer une recette. J’ai envoyé une recette de farcis niçois, avec sept légumes différents, sept farces différentes et sept méthodes de cuisson différentes !
Je me préparais comme pour un concours du Meilleur ouvrier de France, mais j’avais très peu d’informations.
Quinze jours avant, nous avons été informés de l’organisation. Au premier tour, nous devions faire la recette que nous avions envoyée, et dix participants seraient qualifiés. Au second tour, nous devions préparer un plat avec des ingrédients imposés, et cinq participants seraient qualifiés. Enfin, le troisième tour consistait en des questions sur la cuisine.
Et j’apprends alors que nous n’aurions qu’une heure pour préparer notre recette ! Deuxième surprise, nous n’avions qu’un brûleur à disposition ! Pendant quinze jours, j’ai donc répéter ma recette tous les après-midis, chronomètre en main. Le jour du concours, à Calcutta, je découvre un mini-four qui n’était pas branché pendant quinze minutes. Je n’ai pas terminé à temps et j’ai eu cinq points de pénalité, ce qui est standard dans les concours culinaires.
Au second tour, il fallait se servir sur une table et prendre les ingrédients disponibles. Je me suis bien amusé, en préparant un plat moderne, avec une chartreuse de poulet coupé très fin, avec à l’intérieur une fricassée de gambas, et une sauce très corsée avec les carapaces de gambas. Étant maintenant végétarien, je n’ai pas goûté ! Je suis arrivé premier aux deux premiers tours. Vient donc la finale, avec les questions.
Il fallait répondre correctement à six questions pour réussir l’épreuve. Les juges parlaient un mélange de « hinglish » et de bengali... Même Nandini avait du mal à comprendre ! Je bondissais dès que j’entendais une question que je comprenais ! Les questions concernant la cuisine indienne étaient assez pointues, même si j’ai pu répondre à certaines. Je savais que cette épreuve serait compliquée pour moi, mais j’ai répondu à quatre questions et terminé deuxième.
C’était une belle expérience, sympa, enrichissante. J’ai remarqué que l’esprit de compétition n’était pas le même. Chacun était content d’avoir participé.
Quels sont vos autres projets en Inde ?
Nandini et moi sommes très sportifs. Nous nous préparons pour faire un semi-marathon l’année prochaine. Nous avons aussi en tête de gravir quelques sommets, et Mussoorie sera pour nous la porte de l’Himalaya. Nandini s’est arrêtée à 500 mètres du sommet de l’Everest ! Nous avons fait un pacte. Celui qui reste après le départ de l’autre amènera ses cendres le plus haut possible...
+918306665357
The Indo-French Eatery
111 Rajpur Road (Next to JP guest house)
Dehradun