500 kilomètres au nord de Yangon, le lac Inle : ses hôtels et ses touristes mais aussi ses traditions et notamment le tissage de la fibre de fleur de lotus.
Liée aux dieux de l’Egypte ancienne, à l’hindouisme et au bouddhisme, la fleur de lotus est précieuse tant pour sa beauté que pour sa signification. Selon la légende, lorsque Buddha a commencé à marcher le jour de sa naissance, de son premier à son septième pas, une fleur a poussé. Des croyances culturelles vantent ses vertus médicinales et méditatives. De ses origines mystiques est née une structure magique : résistante à l’eau et aux tâches, il bénéficie d’une magnifique couleur ocre, chic et minimaliste, autonettoyante et infroissable. Doux, respirable, semblable au lin, il existe un tissu appelé la soie de lotus. Cher ? Evidemment.
Au lac Inle, à Taunggyi, une sorte de lotus appelée Padonma Kyar pousse naturellement dans les eaux troubles du lac et produit cette remarquable soie. Dans les villages de Kyaing Khan (Kyaingkhan) et In Paw Khon (Inpawkhon), la moitié des travailleurs locaux compte dessus pour assurer leur subsistance. A In Paw Khon, sur la rive ouest du lac – une étape de la plupart des circuits touristiques – Ko Than Hlaing Silk and Lotus Weaving (Ko Than Hlaing Tissage de Soie et de Lotus) propose un large choix de produits de qualité. A Kyaing Kan, hommes et femmes tirent, tissent et enroulent, sous la direction de U Tun Yee et Daw Ohn Kyi, propriétaires et gérants d’un des seuls centre de production de fleur de lotus au monde : Aung Sakkyar Lotus Robe Cooperative Ltd. La communauté Intha (“fils du lac”) reste la seule détentrice de la minutieuse tradition de tissage de la soie de lotus.
La tige de la fleur doit être divisée, filament par filament, dans les 24 heures après avoir été manuellement extraite du lotus. La très fine fibre est ensuite enroulée et tissée dans un métier à tisser traditionnel requérant environ 6 000 tiges de lotus pour produire un mettre de tissu. Un travail intensif avec une incroyable qualité qui se retrouve dans chaque pièce, chaque jour 50 centimètres de matière est produite ; une veste demande 10 jours. Une chose est certaine : la création du tissu de lotus est elle-même un processus artisanal. Si une récente hausse de la demande nécessite l’importation de tige de lotus d’autres régions, les populations du lac Inle ont transmis leur savoir avec passion, s’assurant que le respect de l’environnement est entretenu malgré le long processus. Chaque année, des robes faites de soie sont traditionnellement vendues aux moines et des écharpes sont achetées par les touristes occasionnels. Petit à petit, les villageois produiront les 500 mètres de tissus qui seront exportés et roulés jusqu’à Rome, Paris, Genève et Tokyo. La marque de produits de luxe italienne Loro Piana, qui fait partie du groupe français LVMH, est jusqu’à présent le seul destinataire de cet export. Cependant, à la suite de l’exposition de la première collection de veste au salon du design parisien Maison et Objet 2012, des marques de luxe des Etats-Unis et de Hong Kong font déjà la queue pour vendre des vestes de fleur de lotus à des prix allant de 3 000 à 4 500 dollars américains, en faisant un réel marché de niche. La Birmanie a le savoir-faire pour ce tissu local et durable mais l’industrie du luxe en a la clientèle.
Tant que le marché de la mode éco-responsable continue de grandir, la production va faire de même. Toutefois, pour la croissance future de cette micro-industrie, des pratiques de culture et de récolte de lotus durables sont nécessaires, tout comme l’attention portée à l’environnement qui l’entoure. En tant que fleur symbolique, esthétique, rare et onéreuse, le lotus sacré coche vraiment toutes les cases du luxe.