Les militants du groupe écologiste Letzte Generation organisent, depuis lundi matin, des actions de blocage des rues de Berlin. Ils souhaitent ainsi faire entendre leurs revendications.
Ils avaient prévenu : tant que leurs revendications n’auront pas été entendues, les activistes de Letzte Generation ne cesseront pas leur mobilisation. Ils demandent, par exemple, que le gouvernement respecte l’objectif international de maintenir le réchauffement climatique sous 1,5 degrés, selon les recommandations du Rapport spécial du GIEC (groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat). En attendant, ils souhaitent bloquer la capitale allemande. Ils s’installent ainsi dans des rues très fréquentées de Berlin, et se collent les mains au sol, afin de ne pas pouvoir être délogés rapidement.
Un blocage sans limite de temps
Ce lundi matin du 24 avril, la capitale allemande a partiellement été bloquée par les activistes du groupe écologiste Letzte Generation. Pour se faire, ils ont ciblé les axes les plus fréquentés de la ville, en créant des barrages routiers, si bien que de nombreux embouteillages ont commencé à se créer. Selon les informations de la police, 30 actions différentes ont été menées, à des endroits comme la Ernst-Reuter-Platz, l’autoroute A100, la Hermannplatz ou encore la Hardenbergstrasse à Charlottenburg.
Pour paralyser durablement la ville, les militants s’assoient en ligne sur la route, banderoles à la main. Certains d’entre eux collent leurs mains sur l’asphalte, de sorte qu’il est compliqué pour les forces de l’ordre de les déloger. Sur l’autoroute A100, les blocages ont duré pendant 2 heures à certains endroits.
Leur mobilisation avait déjà commencé le week-end précèdent. Le dimanche 23 avril, le groupe avait appelé à un rassemblement à la porte de Brandebourg, avec ce slogan "empêcher l'effondrement du climat, protéger la Constitution !". Le samedi 22 avril, ils avaient recouvert d’un liquide orange les vitrines de certaines boutiques de luxe sur l’avenue Kurfürstendamm, pour dénoncer leurs actions néfastes pour l’environnement et le climat.
Point important : les activistes comptent continuer leur mobilisation tant que leurs revendications n’auront pas été satisfaites. Et en effet, les actions ont continué les jours suivants. Mercredi 26 avril, le groupe a organisé une manifestation au départ de l’église Saint-Thomas. Ce jeudi 27 avril, l’autoroute A100 était à nouveau bloquée, ainsi qu’une dizaine d’autres axes routiers, dès 8h du matin.
Des actions controversées
Une chose est certaine, l’entrain des militants ne faiblit pas, malgré les critiques qui leurs sont adressées, ainsi que la forte mobilisation de policiers. En effet, la police berlinoise a déployé plus de 500 agents et même un hélicoptère pour empêcher les blocages. Ce jeudi 27 avril, elle a aussi procédé à l’interpellation de militants présumés à la porte de Brandebourg, car ils détenaient des banderoles et autocollants. Ils se sont vu interdire l’accès au quartier gouvernemental. Néanmoins, les blocages continuent de paralyser les rues de Berlin.
De nombreuses critiques sont émises par le classe politique, ou même par la société civile, à l’encontre de Letzte Generation. Selon les pompiers de Berlin, des véhicules de secours et des ambulances auraient été bloqués par les actions du groupe écologiste. Une accusation dont se défend le groupe sur Instagram, en mettant dans ses stories des vidéos montrant des militants en train de procéder à un blocage, laisser passer une ambulance. Ils accusent une campagne de mensonge à leur égard.
Plusieurs politiciens, dont des membres du gouvernement, ont vivement critiqué le blocage. C’est par exemple le cas de Christian Lindner, président du FPD et ministre des Finances, qui dénonçait, dans un tweet "Aucun motif, aussi noble soit-il, ne peut faire oublier que le #BerlinBlockade n'est rien d'autre que de la violence physique. Cela ne doit jamais être un moyen de débat démocratique".
Kein noch so edles Motiv kann darüber hinwegtäuschen, dass die #BerlinBlockade nichts anderes ist als physische Gewalt. Das darf nie Mittel demokratischer Auseinandersetzung sein. Wer eine andere Politik will, kann eine Partei gründen & Mehrheiten für seine Positionen suchen. CL — Christian Lindner (@c_lindner) April 24, 2023
Un tweet auquel Letzte Generation a également répondu, "Lindner, Buschmann & Co ont maintenant compris : il s'agit de VOUS. La vie et l'intégrité corporelle sont gravement menacées si des extrémistes des énergies fossiles dirigent notre vie".
Au cœur de Letzte Generation
Pour mieux comprendre leurs motivations, nous avons décidé d’assister à l’une de leur réunion publique, organisé le lundi 24 avril à l’université Humbolt de Berlin. Le but de cette réunion est d’expliquer pourquoi ils font ces actions, l’urgence de la question climatique, et nous proposer des façons de participer dans leurs actions.
Lorsque nous arrivons dans la salle de réunion, plusieurs personnes sont déjà installées. La majorité des participants sont jeunes et étudiants, mais quelques personnes plus âgées sont également présentes. L’ambiance est intimiste. Les participants se présentent à tour de rôle, et expliquent la raison de leur venue. Beaucoup d’entre eux cherchent une nouvelle façon de s’engager. Ils ont participé à d’autres actions pour l’environnement, comme les marches pour le climat, mais face au manque d’actions concrètes des dirigeants, ils souhaitent s’engager plus fortement.
Le jeune militant qui dirige la réunion nous explique la raison de leurs actions. Il donne des exemples concrets du changement climatique, et cite par exemple les inondations de l’été 2021 en Allemagne, qui ont tué plus de 180 personnes. Il insiste sur le fait que la crise climatique n’est pas qu’une question de climat, mais que c’est la fin de notre civilisation qui est en jeu. Des centaines de millions de réfugiés climatiques vont devoir se déplacer, les prix de l’alimentation va augmenter avec la raréfaction de l’eau, etc.
Fait assez remarquant, ils notent l’importance que l’opinion publique ait un avis plutôt positif sur leurs actions. Et justement, pour les militants, leurs actions sont un moyen de mettre la question climatique au cœur des débats pour que la société civile s’en saisisse. Selon eux, la majorité des Allemands n’est ni radicalement favorable, ni radicalement opposée à leurs actions. La majorité sont dans une position "entre-deux", en se disant que ce n’est peut-être pas la meilleure façon d’agir, mais qu’il est vrai que le gouvernement n’agit pas assez. Leurs actions doivent donc faire émerger une conscience collective.
Plusieurs participants prennent alors la parole. Certains se sentent prêts à mener des actions coup de poing, comme se coller la main dans les rues. D’autres ne sont pas encore certains d’en être capables. Pas de pression selon l’organisateur, chacun fait avec ses moyens. Une chose est certaine : leurs actions ont eu un grand écho dans la presse et sur les réseaux sociaux. Reste à savoir si leurs revendications seront réellement entendues.
Pour recevoir gratuitement notre newsletter du lundi au vendredi, inscrivez-vous !