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"L'enseignement des Français à l'étranger doit être gratuit"

Jean-Michel NoguerolesJean-Michel Nogueroles
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Écrit par Francis Mateo
Publié le 15 décembre 2021, mis à jour le 29 décembre 2021

Installé à Barcelone, l'avocat d'affaires Jean-Michel Nogueroles lance une pétition en ligne pour demander la gratuité de l'Éducation dans les établissements français à l'international. Il dénonce que la logique de privatisation déguisée de ce réseau -à travers l'augmentation des frais de scolarité des familles-  est devenue une machine à exclure les enfants Français à l'étranger. Interview.


Pourquoi demander la gratuité de l'enseignement français à l'étranger ?

Jean-Michel Nogueroles : C'est d'abord une raison éthique et philosophique : je pars du principe qu'il y a une culture française, menacée aujourd'hui par les discours et des volontés politiques de « déconstruction », liés à la pensée et au mouvement « woke ». Ces attaques se conjuguent avec celles des grandes puissances comme la Chine ou les Etats-Unis, qui s'imposent avec moins d'états d'âmes au détriment de cette vision universaliste française héritée de la Renaissance et des Lumières. Une culture portée justement par l'enseignement, en France, mais aussi dans le monde, à travers une communauté de plus de trois millions de Français installés à l'étranger. Faciliter l'accès à l'enseignement français à toutes ces familles, c'est donc renforcer les valeurs de cet universalisme. C'est aussi une idée chère à Jules Ferry, une pensée enracinée dans le courant républicain, qui était classé à gauche autrefois, au centre-gauche plus exactement, et qui aujourd'hui trouve plutôt ses défenseurs au centre-droit. Mais c'est finalement une idée de l'éducation à laquelle peuvent adhérer tous ceux qui sont attacées aux principes de notre République.

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Les jeunes Français sont aujourd'hui exclus de cet enseignement à l'étranger ?

Effectivement, et de plus en plus. Nous sommes aujourd'hui dans une conjoncture où de plus en plus de parents ont du mal à assumer des coûts de scolarité qui ne cessent d'augmenter dans les lycées français à l'international. Une catégorie de population pas assez pauvre pour accéder aux bourses, dont le montant est d'ailleurs dérisoire, mais qui ne peuvent pas assumer des coûts par enfant de l'ordre de 6.000 ou 7000 € par an. D'autant plus quand il y a deux ou trois enfants. Des familles quise retrouvent ainsi obligées de retirer leurs enfants des établissements français, de les priver d'un enseignement français. Voilà pourquoi j’ai décidé de lancer une grande pétition en ligne, ouverte à tous, Français ou non, pour nous mobiliser en faveur d’une prise en charge plus large des frais de scolarité des jeunes Français dans ces établissements. 


Les Français de l'étranger ne sont pas des privilégiés


Pourquoi les contribuables de l'Hexagone devraient-ils supporter le coût de ce financement ?

C'est d'abord un principe d'équité et de liberté d'accès à l'enseignement pour tous les enfants français, où qu'ils soient. Mais je profite de la question pour rappeler une réalité qui mérite d'être mieux connue en matière de fiscalité : les recettes publiques du centre des non-résidents atteignent près d'un milliard d'euros de revenus pour le ministère français des finances ! Ce n'est pas moi qui le dit, c'est un rapport du Sénat en date de 2018, qui additionne l'impôt sur le revenu des non-résidents –720 M€- et les recettes de l'impôt sur la fortune immobilière de ces non-résidents -170 millions M€-, soit déjà près de 900 millions d'euros ! Il faut ajouter à cela les droits de succession que doivent payer les non-résidents à l'Etat français. On est donc tout près du milliard d'euros de recettes par an ! À comparer avec les 417 M€ de dotation pour le fonctionnement de l'AEFE (*) et les 105 M€ de bourses. On voit que le raisonnement de ce financement supporté par le contribuable de l'Hexagone ne tient pas sur le plan comptable. Au-delà d'une vision qui peut être en plus très restrictive sur l'Éducation des jeunes Français. 

 

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Faudrait-il remettre en cause le système de gestion actuel des établissements français à l'étranger ?

Il y a de toute évidence un problème d'opacité dans la gestion de ces établissements. Et les procédures judiciaires en cours comme les nombreuses récriminations de la Cours des Comptes en témoignent. Dont une décision de justice au moins ayant reconnu la matérialité des faits malgré les prescriptions. La récente grève des professeurs révèle aussi le malaise au sein d'un réseau qui n'est pas soumis au même contrôle que l'éducation nationale, dont on peut discuter le fonctionnement, mais qui a le mérite de la transparence. On a créé des couches et superposé des structures administratives qui génèrent une opacité dans la gestion des établissements du réseau de l'AEFE. Par conséquent, une remise à plat du système s'impose. 


Est-ce que cela renvoie à la façon dont sont perçus les Français de l'étranger ? 

C'est en effet lié à cette vision erronée d'une communauté de privilégiés telle que l'avait désignée François Hollande en décidant d'en finir avec la gratuité de l'enseignement français à l'étranger en 2012. Ce qui est évidemment en complet décalage avec la réalité. Contrairement à l'idée de l'expatrié grassement payé et pris en charge par une multinationale, la majeure partie des Français de l’étranger sont aujourd’hui des salariés ayant conclu un contrat de travail de droit local. Dans 80% des cas, ce sont des Français de tous horizons avec toutes sortes d'emplois, salariés ou indépendants, des familles dont les frais de scolarité ne sont donc pas pris en assumés par une société internationale, mais à leur charge. Et environ un tiers de ces familles sont aujourd'hui en risque d'exclusion du système d'enseignement français.

*AEFE : Agence Pour l'Enseignement Français à l'Etranger

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