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Sur l’archipel de Samui, l’intenable attente du retour des touristes

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courtoisie Quentin Seynaeve - Une plage de Ko Phangan vide de touristes
Écrit par Catherine Vanesse
Publié le 16 octobre 2020, mis à jour le 17 octobre 2020

Cruellement affecté par l’absence de touristes étrangers en raison des mesures anti-Covid, l’archipel de Samui voit son avenir s’assombrir face au report incessant de l’ouverture de la Thaïlande aux voyageurs. 

L’archipel de Samui, qui comprend les îles de Koh Tao, Koh Phangan et Koh Samui, dépend économiquement à plus de 90% des revenus du tourisme étrangers. En 2019, un peu plus de 6 millions de touristes ont visité la province de Surat Thani, 2,3 millions de visiteurs se sont rendus à Ko Samui et 1,5 million à Koh Phangan. Sur le total, seulement 10% étaient Thaïlandais, la grande majorité venant principalement d’Allemagne, de Chine, d’Europe de l’Est, d’Australie et de Grande-Bretagne. Six mois après la fermeture des frontières thaïlandaises aux étrangers non-résidents, il n’y a virtuellement plus aucun touriste dans la zone. 

“Koh Samui est une île morte”, commente d’emblée Pascal Humbert, tout nouveau président de l’Association Française de Bienfaisance en Thaïlande (AFBT). “Je pense que la situation est pire à Koh Tao et Koh Phangan. Les îles de l’archipel vivent à 90-95% du tourisme. À Koh Samui, 80% des commerces sont fermés”, ajoute le Français qui est également directeur à Samui de la filiale de la chaîne Urban Thaï Spa. 

"Îles désertes", "villes fantômes", tels sont les termes le plus souvent utilisés par ceux qui habitent à Koh Tao, Koh Phangan ou Koh Samui. En mars, alors que la Thaïlande fermait ses frontières aux visiteurs, de nombreux touristes se sont retrouvés "coincés" dans l’archipel tandis que d’autres s’y sont précipités y voyant un cadre idyllique pour passer la période de confinement. Bénéficiant de l’amnistie pour les visas qui allait initialement jusqu’au 31 juillet, une partie d’entre eux sont restés jusqu’à la fin du mois d’avril, d’autres poussant jusqu’au mois de juillet. 

Une fréquentation en baisse

Propriétaire de Pimp My Dive, un club de plongée à Koh Tao, Aude Rivasseau a vu la différence. “En juillet, presque tout le monde est parti. Depuis le mois d’août, il n’y a vraiment plus personne. En mars, nous avions été obligés de fermer pendant un mois, ensuite les mois de mai et juin ont été corrects. Les touristes qui étaient coincés à Koh Tao ont continué de faire de la plongée. Par contre à partir de juillet, cela a commencé à se dégrader et là, cela devient très compliqué”, confie la Française. 

Le consul honoraire de France à Koh Samui, Alexandre Caporali, estime que le ciel s’assombrit de plus en plus dans la zone. “90% des Français qui vivent à Koh Samui sont des entrepreneurs. Fin mars, les établissements ont dû fermer, certains ont fait le choix de ne pas rouvrir après la période de confinement. Ceux qui ont essayé de rouvrir, réalisent aujourd’hui que dans les conditions actuelles, ce n’est pas possible de continuer et ils ferment de nouveau”, explique-t-il. 

Patrick Saulière, l’un des actionnaires des restaurants Link Cuisine & Lounge et La Cantina, dit n’avoir pas eu d’autre choix que d’interrompre l’activité du premier :

“Après le confinement, le Link a rouvert au mois de mai, mais nous l’avons refermé fin septembre pour une période de trois mois", dit-il. "Au mois de mai, nous pensions que l’activité pourrait reprendre, que tout cela ne serait qu’un mauvais souvenir qui s’effacerait rapidement... La Cantina ne sert plus qu’à mi-temps, uniquement le soir et avec un service et une carte réduite. C’est très nuageux”, s’inquiète le Français.

Son épouse, Delphine Saulière, a créé sa marque de vêtement, Saona, il y a 8 ans et commençait à connaître un succès grandissant depuis 4 ans. Lorsque le Covid-19 a fait son apparition, elle avait sept boutiques à travers la Thaïlande, elle a dû en fermer trois depuis. “Sur les quatre magasins de Koh Samui, elle a dû en fermer un définitivement, ainsi que ceux de Phuket et Pattaya", déplore Patrick Sauliere ajoutant que le magasin de Bangkok est toujours ouvert. "Elle bénéficie du fait d’avoir une clientèle thaïlandaise qui aime ce qu’elle fait et aussi de l’absence de concurrence sur Koh Samui. Mais malgré tout, elle parvient tout juste à couvrir ses frais”, explique-t-il. Pour passer ce cap difficile, Delphine s’est lancée dans la vente en ligne, une évolution qui était déjà un peu en marche avant le Covid-19, mais que la crise a accélérée, comme pour beaucoup d’entreprises. 

À Koh Phangan, Quentin Seynaeve propriétaire de Seetanu Resort et du restaurant Signature Sea food & Grill, est dans la même situation que Patrick. “J’ai fermé le restaurant le 1er septembre. Ouvrir sans client me coûtait entre 8 et 10.000 bahts par jour! Sur le resort, j’ai divisé les prix par 5 pour essayer de rester attractif. J’ai l’avantage que le loyer pour le resort soit payé jusqu’en 2026, cela nous permet de respirer”, se rassure le Belge. 

Tenir, s’adapter ou partir

Malgré des prix cassés dans les hôtels, la succession de quelques longs week-ends, et le programme “Travel Together” lancé par le gouvernement pour motiver les Thaïlandais à voyager dans le royaume, l’archipel, comme d’autres sites touristiques tournés vers les étrangers, peine à attirer les touristes locaux. 

“Pendant les week-ends, il n’y a pas plus de monde à Samui. De plus, les business français vivent grâce à une clientèle d’expatriés ou de touristes étrangers, [les mesures incitatives pour relancer le tourisme local] n’ont pas d’influence sur nos compatriotes”, explique Alexandre Caporali. 

Toucher le marché local est en effet un défi pour les entrepreneurs français. “Nous essayons de communiquer sur le marché thaïlandais, mais en tant que centre de plongée nous avons pas mal de concurrence avec des centres plus importants qui peuvent brader les prix. Sans compter que beaucoup de Thaïlandais ne savent pas nager,” souligne Aude Rivasseau. “Du 1er au 4 octobre, nous avons participé au TDEX Dive expo à Bangkok", dit-elle. "C’était la première fois que nous participions à un salon, c’est un pari parce que cela engendre des frais, mais nous nous sommes dit qu’il valait mieux essayer que d’attendre que les gens poussent la porte du magasin. Suite à ce salon, nous avons eu deux clients et d’autres personnes nous ont recontactés”, ajoute la jeune Française. 

Tous n’ont malheureusement pas les finances nécessaires pour pouvoir tenir. “C’est plus facile d’inviter les touristes à rentrer chez eux que les expatriés. Certains sont ici depuis 15 ans et ils ont tout perdu!”, déplore le consul honoraire de France sans pouvoir donner de chiffres sur le nombre de Français de sa zone qui ont dû quitter la Thaïlande après avoir fait faillite. 

“Avec l’Association Française de Bienfaisance en Thaïlande (AFBT), nous avons aidé des gens à payer leur vol de retour, des gens qui ont perdu leur business ou leur visa. Au total, nous avons aidé 11 familles en Thaïlande, que ce soit en prenant en charge les billets d’avion, les cotisations CFE ou en aide alimentaire”, ajoute Pascal Humbert. 

Reprise incertaine

Le gouvernement thaïlandais a multiplié les annonces contradictoires ces derniers mois alimentant le sentiment d’incertitude chez les acteurs du tourisme. 
Dernièrement, dans sa communication sur la mise en place d’un visa spécial de tourisme longue durée, il annonçait l’arrivée de 1.200 touristes par mois - ce qui semblait déjà très peu en comparaison des quelque 3,3 millions de voyageurs en moyenne par mois accueillis en 2019. Et le report la semaine dernière de l’ouverture du pays à ces quelques poignées de touristes, a plombé encore davantage les espoirs de relance du secteur dont dépendent des milliers d’entreprises.

Une incertitude et une inertie prolongées qui sapent le moral de tous et exaspère les entrepreneurs étrangers qui restent là et continuent de voir leur investissement se déliter. 

“Nous essayons de rassurer les gens, mais il n’y a pas de perspective de reprise avant trois ou six mois", indique Alexandre Caporali. "On sent bien que les gens sont de plus en plus tendus, il y a davantage de cambriolages, d’arrestations, les Thaïlandais quittent l’île pour rentrer dans leur famille, c’est la chaîne entière qui s’écroule”. 

Possible métamorphose 

Patrick Saulière s'attend pour sa part à une reprise encore plus lointaine : “Je pense qu’il n’y aura pas de touristes avant l’été prochain, que les premiers touristes seront asiatiques. C’est le marché qui va exploser ou se renforcer. Il va falloir s’adapter, changer les menus, la communication, cela va changer l’ambiance aussi.”

Quentin Seynaeve prévoit lui aussi un gros changement. “Le tourisme va évoluer, les soirées "full moon" telles qu’on les connaissait n’existeront plus. Il y aura toujours des fêtes, mais on sent aussi un retour à la nature, une ferme communautaire vient de se créer à Phangan, les gens discutent pour imaginer un autre tourisme”, explique le quadragénaire qui vit depuis dix ans sur l’île de Phangan. 

En attendant le retour des touristes, les îles de Koh Phangan et Koh Samui sont en plein travaux : enfouissement des câbles électriques, canalisations, nouvelles routes, etc. 

“C’est un peu paradoxal, il y a des dépenses énormes qui sont faites pour refaire les routes alors que de nombreux Thaïlandais n’ont pas d’autres choix que de quitter l’île parce qu’ils n’ont plus de boulot", s’étonne Pascal Humbert. "Après, c’est bien pour le futur, nous aurons de meilleures infrastructures. Je pense aussi que les prix vont baisser de manière générale, cela va rendre l’île plus attractive” conclut-il. 

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