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Le secteur florissant du cannabis en Thaïlande inquiet du projet de repénalisation

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Matthew-Kenwrick CC
Écrit par La rédaction de Bangkok
Publié le 26 mai 2023, mis à jour le 26 mai 2023

L’annonce par les vainqueurs des élections d’un projet de repénalisation du cannabis en Thaïlande, a suscité la consternation chez ceux qui ont investi légalement dans ce secteur prometteur, et chez les aficionados qui ont voté pour le parti progressiste arrivé en tête

Certains considèrent l’idée de dépénaliser le cannabis comme un progrès, d’autres comme une régression. On pourrait penser que les premiers sont "progressistes" et les seconds "conservateurs", mais ce n’est pas toujours aussi simple.

En Thaïlande, le cannabis, qui avait été rendu hors-la-loi en 1934 par les promoteurs de la démocratie -ceux qui ont remplacé la monarchie absolue par une monarchie constitutionnelle- a été dépénalisé il y a un an sous la houlette d’un parti perçu comme relativement conservateur et royaliste, le Bhumjaithai. Et aujourd’hui, le parti le plus progressiste du pays, Move Forward, vainqueur des élections du 14 mai dernier, dit vouloir revenir en arrière pour repénaliser la plante, au grand dam de plusieurs milliers d’entrepreneurs qui ont investi dans cette nouvelle manne particulièrement prometteuse dans un pays réputé pour son tourisme de divertissement.

Le moins que l’on puisse dire est que la proposition de Move Forward de reclasser le cannabis comme stupéfiant suscite la panique dans un secteur qui pourrait passer la barre du milliard d’euros de revenus annuels d'ici 2025, selon une projection de l'Université de la Chambre de commerce thaïlandaise.

12.000 entreprises de cannabis en Thaïlande sont légales

Plusieurs milliers d'entreprises ont en effet vu le jour depuis la dépénalisation de la consommation et de la culture de la plante, parmi lesquelles de nombreux dispensaires et autres coffee-shops, situés pour beaucoup à Bangkok et dans les grands pôles touristiques du royaume, et qui proposent aux touristes et locaux des variétés de fleurs aux propriétés diverses et variées : psychotropes, relaxantes, soporifiques, anti-douleurs, etc.

"Taxez le cannabis, comme les cigarettes ou l'alcool, et remplissez les caisses de l’Etat. Ne remettez pas le cannabis en prison", a déclaré à Reuters Netnapa Singsatit, gérant de la boutique RG420 dans le quartier des routards de Khao San Road à Bangkok.

Quelque 12.000 entreprises ont obtenu un permis officiel de trois ans pour opérer leur activité autour du cannabis, selon des données du gouvernement. Et les acteurs de ce nouveau secteur florissant ne comprennent pas aujourd’hui que le gouvernement puisse revenir en arrière et mettre en péril leur investissement et leur avenir.

Dépénalisation hâtive

Il faut dire que la dépénalisation du cannabis en Thaïlande en juin 2022 a été engagée sans même qu’un cadre légal approprié n’ait été posé au préalable, suscitant une grande confusion tant au sein de la population que des autorités, lesquelles ont colmaté tant bien que mal les vides juridiques les plus importants en imposant dans l'urgence de règles fragmentaires.

Et le Parlement d’alors, très divisé sur la question, n’a pas été en mesure, avant les élections, d’adopter un projet de loi sur le cannabis visant à permettre une légalisation complète de l’usage et du commerce du cannabis.

Move Forward, qui entend mettre fin à la mainmise des militaires sur le pouvoir, espère former un gouvernement de coalition avec d'autres partis comme le parti Pheu Thai, dont l’une des promesses électorales est d'interdire l'usage récréatif du cannabis afin de protéger les jeunes.

Les progressistes vers un retour à la prohibition

La coalition de huit partis a publié cette semaine son programme politique qui prévoit de "reclasser la marijuana en tant que substance contrôlée... avec de nouvelles lois réglementant et soutenant ses utilisations bénéfiques".

La nouvelle a suscité la consternation au sein de la communauté pro-cannabis, qui compte de très nombreux jeunes progressistes dont le vote a permis aux partis d'opposition, particulièrement Move Forward, de remporter la victoire face à l'establishment conservateur.

"Je pensais qu'ils étaient censés aller de l'avant", grommèle Suphamet Hetrakul de Teera Ventures, propriétaire d'une plantation de cannabis et grossiste, faisant référence au nom du parti Move Forward, qui signifie aller de l’avant. "Faire demi-tour va nuire à la crédibilité de la Thaïlande", dit-il.

En mars, 1,1 million de personnes s'étaient inscrites auprès du gouvernement pour cultiver du cannabis.

Depuis le tollé suscité par l’annonce d’un retour à la prohibition, quelque 5.200 personnes et 200 entreprises ont signé une pétition en ligne selon laquelle la reclassification du cannabis en tant que stupéfiant constituerait une violation des droits du peuple.

Jeudi, la responsable du parti Sirikanya Tansakun a défendu le projet de recriminalisation de la marijuana, affirmant qu'il était nécessaire de mettre fin au vide juridique, et elle a promis que les entreprises lésées recevraient un soutien. Elle a déclaré en revanche que les vendeurs de rue sans licence et les importations illégales de la plante seraient arrêtés.

"Ceux qui ont investi légalement seront protégés et pourront poursuivre leurs activités", a-t-elle déclaré aux journalistes.

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